« Le communisme primitif... » : une réédition peut en cacher une autre

Comme il était convenu, mon Communisme primitif... en version anglaise, paru chez Brill l’an dernier, sera republié le 1er juillet prochain chez Haymarket Books. Ce passage à une collection de poche sera l’occasion d’une désinflation bienvenue, le livre étant dorénavant accessible au prix beaucoup plus raisonnable d’une vingtaine de dollars (par ailleurs, je tiens à préciser que je décline toute responsabilité quant au choix de l’illustration de couverture, sur lequel l’éditeur est seul maître à bord).
Ce qui n’était alors pas prévu, mais qui s’est décidé entre-temps, est une quatrième édition française, qui paraîtra à l’automne. Par rapport au texte en anglais, les modifications seront peu nombreuses et cosmétiques – depuis la dernière édition française, j’avais déjà entièrement modifié le passage sur l’ancienneté de la domination masculine et de la division du travail, en ouvrant l’hypothèse qu'elles constituent un héritage très lointain, hypothèse que j’écartais plus ou moins jusque-là, bien à tort.
Cette nouvelle version sera néanmoins également l’occasion d’intégrer au moins un témoignage supplémentaire, dont je n’ai pris connaissance que récemment grâce à l’excellent compte @MungoManic, que j’en profite pour remercier. Recueilli dans les années 1980 par l’anthropologue Francesca Merlan, il émane d’une vieille femme aborigène qui lui explique comment, conformément à la loi tribale, elle fut punie d’un viol collectif pour avoir quitté son mari. Et comme les choses ne sont jamais simples, on peut percevoir dans ses propos une certaine fierté, un peu comme chez nous un vieux gangster pourrait raconter ses exploits passés et se glorifier implicitement des années de prison qu’ils lui avaient valus.
Une femme âgée de la région du golfe de Carpentarie m'a raconté comment, dans sa jeunesse, elle avait « enfreint la loi » en s’enfuyant avec un amant, après avoir été rituellement donnée en mariage à un autre homme. Elle finit par revenir seule. « J’ai payé », dit-elle simplement en montrant ses parties intimes. « La première fois que mon beau-frère m’a ’mangée’ [c'est-à-dire qu'il a copulé avec moi], il a amené une grande bande, de toutes les couleurs de peau [expression pour signifier les sous-divisions tribales, qui imposent en temps normal des interdits absolus sur les relations sexuelles]. Quand je lui ai demandé si elle avait essayé d’y échapper, elle a répondu : « Je connais la loi. Il faut en passer par là [subir le viol collectif] pour vivre, sinon tu meurs ». Elle s’était mise en danger. Pour devenir « pure » et vivre sans craindre de représailles, elle avait « payé », l’acceptant comme une nécessité et (au moins après le passage des années) comme une source de fierté (dans sa connaissance de la « loi ») et une renommée en quelque sorte discrète et ambivalente. Ces pratiques ont perdu beaucoup de leur légitimité dans la société aborigène contemporaine. Là où elles ont encore cours, elles sont généralement cachées aux étrangers, ce qui est compréhensible. (F. Merlan, 1986, « Australian Aboriginal Conception Beliefs Revisited », Man, 21(3), p. 474.
je comprends l'hésitation à propos de la page couverture! ;-)
RépondreSupprimerEt sauf erreur, la première proposition était encore bien pire...
SupprimerLe motif fleuri est plutôt à l'honneur pour cette collection! On se demande pourquoi? https://www.haymarketbooks.org/series_collections/1-historical-materialism
SupprimerJ'ai cru comprendre qu'ils avaient ses images sans devoir payer quoi que ce soit. Et comme elles n'ont à chaque fois aucun rapport avec le contenu du livre, cela évite d'avoir à prendre du temps pour choisir une illustration adaptée...
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