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Au micro de Géraldine Muhlmann : « Faut-il ressusciter la notion de structure sociale ? » (France Culture)

J'étais ce matin l'invité de Géraldine Muhlmann, dans son émission Avec philosophie, intitulée « Faut-il ressusciter la notion de structure sociale ? », en compagnie de Gisèle Sapiro et Philippe Corcuff. L'émission était consacrée à la fois au courant structuraliste et au projet scientifique incarné par le dernier livre de Bernard Lahire.

J'ai eu l'occasion de marquer à plusieurs reprises mes divergences avec Philippe Corcuff, en faisant de mon mieux pour plaider en faveur de ce qui me semble être les fondements de la méthode scientifique face à des positions qui (bien qu'il s'en défende) constituent un manifeste relativiste. Sur un point, cependant, j'ai eu après-coup le sentiment de n'avoir pas répondu de la manière la plus pertinente. Je veux parler des échanges (45'52", ma réponse à 49'39") à propos de la « mégalomanie » (le terme est P. Corcuff) qui animerait le projet scientifique de B. Lahire – si ce n'est B. Lahire lui-même. Voici donc ce que j'aurais eu envie de répondre :

On assimile donc la volonté d'élaborer une théorie globale à un projet « mégalomane », à l'opposé de la modestie qui sierait à la science authentique. Mais la physique, par exemple, cherche avec constance depuis près d'un siècle sa « théorie du tout », le cadre qui permettrait d'unifier les diverses forces connues et de penser les modalités par lesquelles l'une peut se changer en l'autre. Non seulement personne ne qualifie ce projet de mégalomane, mais je crois que le physicien qui s'y risquerait serait regardé de manière très étrange par ses collègues. Dès lors, il faut se demander pourquoi une question qui est légitime (et dont la réponse serait même considérée comme le couronnement de la recherche scientifique) en physique doit-elle être rejetée et ridiculisée en sciences sociales ?
À moins d'affirmer que les physiciens sont tous dans l'erreur, la seule réponse que l'on puisse imaginer consisterait à dire que les sociétés, contrairement à la matière, n'obéissent à aucune loi ultime. Mais au nom de quel argument ? Et dans ce cas, s'il n'y a pas de lois ultimes, comment pourrait-il y avoir des lois non ultimes ? En d'autres termes : s'il n'y a pas de science globale des sociétés, en bonne logique, on ne voit guère comment il pourrait y en avoir de science partielle. Sur les sociétés, on ne pourrait et devrait faire que des discours, sans jamais penser que ces discours décrivent plus ou moins adéquatement des propriétés du réel [au demeurant, c'est bel et bien une telle position que défendait P. Corcuff à plusieurs reprises au cours de l'émission].

Allez, fini d'épiloguer, voici le lien vers l'émission.

9 commentaires:

  1. Aaah Corcuff.
    Il est égal à lui même, exactement comme je l'avais trouvé après la lecture de son bouquin sur le confusonisme, confus

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    1. Je crois que c'est le mot le plus gentil que l'on puisse trouver.

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    2. Son livre est effectivement un brin ardu à lire en raison du jargon foisonneux, même pour des lecteurs assidus ; il ne s'adresse pas à un public très large ; mais je l'ai trouvé bien structuré, et ses discours nuancés clairs.

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  2. Tu as remarqué comment la « réfutation » de Corcuff, quand elle ne recycle pas paresseusement les poncifs d’un idéalisme un peu vague qui ne résout rien (le concept n’est pas la réalité), ne tient que sur des qualificatifs qui visent la disqualification morale : « nostalgie » (pas bien), « mégalomanie » (pas bien) vs exploration des « fragilités humaines » (bien). Pourquoi la science, qui implique par définition et quel que soit le domaine envisagé, la visée d’une forte généralité à des fins explicatives, ne serait-elle pas possible pour les sociétés humaines ? Mystère. Comme pour Corcuff la volonté de faire science est manifestement une volonté mégalomaniaque (pas bien) au fond un peu perverse, pour ne pas dire pécheresse – dirait-il seulement cela des mathématiques, de la physique ou de la biologie ? –, on se demande bien ce que des gens comme lui font dans le monde académique. Ils perdent leur temps et font perdre celui des autres dans des émissions sur France Culture !

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    1. Le tout, qui plus est, exprimé dans un langage abscons et truffé de noms d'auteurs qui ne sont là que pour l'esbrouffe.

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    2. Il dit à un moment qu'il préférait quelque chose comme une globalité non globale. Finalement, le confusionnisme c'est encore ceux qui le pratiquent au quotidien qui en parlent le mieux !

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    3. Ca me rappelle l'Église de la conscience inconsciente, dans « Y a-t-il un pilote dans l'avion » (on a les références qu'on peut...)

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  3. Pas facile de développer une idée : la Géraldine il faut se la faire ! Testart (et Alain Galay) a développé ses idées dans son essai d'épistémologie (où il disserte entre autre sur Passeron). On est d'accord ou non mais c'est écrit simplement. Évidemment, un silence assourdissant a accueilli sa publication (il y a 32 ans !).
    J'ai trouvé que tu as été clair.

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