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Cancel ce sexe que je ne saurais voir

Il y a quelques semaines de cela, un épisode peu ordinaire a marqué le congrès annuel de l'AAA (Association Américaine d'Anthropologie). L'une de sessions de cet événement scientifique a en effet été déprogrammée par les organisateurs. Mais davantage que le fait lui-même, ce sont les raisons qui ont conduit à cette déprogrammation qui interpellent. Dans un premier temps, j'avais envisagé de rédiger un billet relativement détaillé sur les arguments des uns et des autres. Faute de temps, je me contenterai de donner la traduction de quatre des documents publics qui ont marqué les échanges.
Faut-il préciser que jusqu'à plus ample information, le premier mouvement de ma solidarité la conduit vers les initiateurs de la session déprogrammée ? Et sans connaître tous les détails de l'affaire, cet épisode me semble significatif d'une sorte de maladie auto-immune des sciences humaines qui, aveugles à l'organisation sociale et à sa critique, se consument dans une radicalité factice à propos d'identités et de ressentis.

Les liens vers les quatre documents traduits :
  1. La présentation de la session et l'acceptation de la proposition
  2. L'avis d'annulation de la session par l'AAA
  3. Lettre de soutien à la décision de l'AAA
  4. Lettre ouverte de protestation contre l'annulation

J'en profite pour signaler un billet déjà ancien de ce blog où j'abordais ces questions sous un autre angle, suscitant quelques commentaires qui montrent à quel point il peut parfois être compliqué de se comprendre.

1. Présentation de la session

Alors qu'il est devenu de plus en plus courant en anthropologie et dans la vie publique de remplacer le terme de « sexe » par celui de « genre », il existe de nombreux domaines de recherche dans lesquels le sexe biologique reste non seulement pertinent, mais irremplaçable pour l'analyse anthropologique. Contester le glissement du sexe au genre dans la recherche anthropologique mérite une approche beaucoup plus critique que celle qu'elle a reçue jusqu'à présent dans les principaux forums disciplinaires tels que ceux de AAA / CASCA. Ce panel international diversifié rassemble des chercheurs en anthropologie socioculturelle, en archéologie et en anthropologie biologique qui expliquent pourquoi, dans leur travail, le genre n'est pas utile, contrairement au sexe. C'est particulièrement vrai lorsque la recherche porte sur l'équité et l'analyse approfondie du pouvoir, et qu'il a pour objectif de parvenir à une véritable inclusion. Avec des thèmes de recherche qui vont de l'évolution des homininés à l'intelligence artificielle contemporaine, de l'anthropologie de l'éducation aux débats sur la maternité de substitution au sein du féminisme contemporain, les intervenants démontrent que si parler de sexe est superflu pour certains anthropologues, c'est une nécessité impérative pour d'autres.

2. Pas de place pour la transphobie en anthropologie : Session retirée du programme de la réunion annuelle (28/09/2023)

Les conseils d'administration de l'AAA et de la CASCA ont pris la décision de retirer la session « Let's Talk about Sex Baby : Pourquoi le sexe biologique reste une catégorie analytique nécessaire en anthropologie » du programme de la conférence AAA/CASCA 2023. Cette décision a été prise à l'issue d'une vaste consultation et dans le respect de nos valeurs, afin d'assurer la sécurité et la dignité de tous nos membres, ainsi que l'intégrité scientifique du programme.

Le premier principe éthique des principes de responsabilité professionnelle de l'AAA est de « ne pas nuire ». La session a été rejetée parce qu'elle s'appuyait sur des hypothèses contraires à la science établie dans notre discipline, formulées de telle manière qu'elles blessent les membres vulnérables de notre communauté. Elle commet l'un des péchés capitaux de la science : elle suppose que la proposition qu'elle cherche à prouver est vraie, à savoir que le sexe et le genre sont simplistement binaires, et que ce fait possède des implications significatives pour la discipline.

De tels travaux contredisent les preuves scientifiques, y compris les nombreuses études anthropologiques sur le genre et le sexe. Les anthropologues médico-légaux disent utiliser les os pour « estimer le sexe » et non pour « identifier le sexe », un processus qui est probabiliste plutôt que clairement déterminatif, et qui est facilement influencé par les préjugés cognitifs de la part du chercheur. Partout dans le monde et tout au long de l'histoire de l'humanité, il y a toujours eu des personnes dont les rôles sexuels ne correspondent pas exactement à leur anatomie reproductive. Il n'existe pas de norme biologique unique permettant de classer de manière fiable tous les êtres humains dans une classification binaire homme/femme. Au contraire, les anthropologues et d'autres spécialistes ont depuis longtemps montré que le sexe et le genre sont des catégories historiquement et géographiquement situées, profondément enchevêtrées et susceptibles de se modifier de manière dynamique.

Les études « critiques sur le genre » présentées dans cette session, tout comme la « science de la race » de la fin du 19e et du début du 20e siècle, ont pour fonction de fournir une justification « scientifique » pour remettre en question l'humanité de groupes déjà marginalisés, en l'occurrence ceux qui existent en dehors d'une binarité stricte et étroite entre le sexe et le genre.

Les identités transgenres et la diversité des genres existent depuis longtemps, et nous nous engageons à défendre la valeur et la dignité des personnes transgenres. Nous pensons qu'un avenir plus juste est possible, un avenir où la diversité des genres est accueillie et soutenue plutôt que marginalisée et réprimée.

3. Lettre de soutien au retrait de la session de l'AAA de la réunion annuelle (29/09/2023)

Nous écrivons afin de soutenir la décision de l'American Anthropological Association de retirer la session « Let's Talk About Sex, Baby » de la conférence annuelle. La session elle-même émet un certain nombre d'affirmations qui vont à l'encontre d'une grande partie des connaissances scientifiques établies dans le domaine de l'anthropologie biologique et, plus généralement, de la biologie de l'évolution, en lançant de vagues insultes au concept de genre » sans le définir de manière significative. Examinons quelques-unes d'entre elles :

Bien que certains se soient concentrés sur le titre de la session, ce qui nous intéresse ici porte seulement sur la manière dont le titre assume une position erronée au vu des connaissances scientifiques.

Les participants de la session proposent un concept de « sexe biologique » qui s'oppose à celui de « genre » sans définir l'un ou l'autre terme.

La session suggère que le « genre » est en train de remplacer le « sexe » en anthropologie. C'est faux, car un travail massif s'effectue actuellement sur ces termes, leurs interactions et leurs nuances, à travers l'anthropologie socioculturelle, biologique, archéologique et linguistique.

Dès le premier résumé de présentation, les auteurs utilisent des termes dépassés tels que « identification du sexe » plutôt que celui scientifiquement plus précis d' « estimation du sexe ».

Le résumé de la session, ainsi que plusieurs des résumés individuels partent implicitement du principe que le sexe constitue un concept biologique binaire, une idée rejetée par l'anthropologie biologique et la biologie humaine actuelles, et très contesté par la biologie contemporaine.

La plupart des résumés individuels reflètent des griefs basés sur les hypothèses erronées décrites ci-dessus.

En tant qu'anthropologues travaillant dans le domaine de l'anthropologie biologique et de la biologie humaine, nous sommes conscients que les définitions du sexe peuvent être établies à partir de la forme de la ceinture pelvienne, des dimensions crâniennes, des organes génitaux externes, des gonades, des chromosomes sexuels, etc. Le sexe, en tant que descripteur biologique, n'est binaire dans aucune de ces définitions. Chaque jour, des personnes naissent avec des organes génitaux non binaires – nous avons tendance à appeler intersexes les personnes qui appartiennent à ce groupe. Chaque jour, des personnes naissent avec des chromosomes sexuels qui ne sont pas XX ou XY, mais X, XXY, XXXY et d'autres encore. Il en va de même pour les gonades. De plus, une personne peut avoir des organes génitaux intersexués mais pas de gonades intersexuées, des chromosomes intersexués mais pas d'organes génitaux intersexués. Ces différences corporelles illustrent les variations considérables observées dans la physiologie sexuelle chez les vertébrés. Au-delà de l'homme, l'orang-outan adulte se présente sous trois formes. S'agit-il d'un sexe binaire ? Des pourcentages significatifs de nombreuses espèces de reptiles présentent des organes génitaux intersexués. Sommes-nous encore en train d'essayer de qualifier le sexe de binaire ? Le binaire limite les types de questions que nous pouvons poser et, par conséquent, le champ d'application de notre science.

En tant qu'anthropologues et biologistes humains, nous savons également que la façon dont les gens choisissent de nommer le sexe à travers les organes génitaux, les gonades et les gènes est souvent prescrite par la culture et, comme le démontre ce panel, souvent politisée. De plus en plus, de nombreux chercheurs, y compris dans le domaine des sciences biologiques, cherchent à comprendre ensemble le sexe et le genre, en reconnaissant leur imbrication intrinsèque. Par rapport à l'approche traditionnelle en biologie évolutionnaire humaine, la reconnaissance de l'intrication du sexe et du genre offre une vision plus réaliste, bien que plus complexe, à partir de laquelle il est possible de poser des questions sur l'évolution de l'homme, et potentiellement sur d'autres espèces, et d'y répondre. Comme l'écrit Anne Fausto-Sterling, « peu d'aspects du comportement adulte, des émotions, de la [sexualité] ou de l'identité peuvent être attribués purement au sexe ou purement au genre », parce qu'aucune de ces qualités n'est fixée au cours d'une vie et parce que « les structures sexuées modifient la fonction et la structure biologiques », considérer que le genre et le sexe sont enchevêtrés est une manière productive d'avancer.

Le domaine de l'anthropologie, et de l'anthropologie biologique en particulier, a tendance à résister aux arguments universels en faveur de la compréhension des êtres humains dans toutes leurs variations. Par conséquent, non seulement l'idée d'un binaire biologique pour un phénomène tel que le sexe constitue une affirmation excessive qui ignore les preuves, mais elle va à l'encontre des fondements empiriques les plus élémentaires de notre domaine. Comprendre la variation biologique humaine signifie résister aux normes culturelles autour du sexe, au lieu de les renforcer comme les auteurs de la session l'ont fait ici. Le genre/sexe se noue atour du développement conjoint de l'anatomie, de la physiologie, des hormones et de la génétique dans un contexte socioculturel fluide comprenant l'identité, les rôles et les normes, les relations et le pouvoir. Le genre/sexe reconnaît que la culture s'empare de la variation biologique de base, la façonne et peut l'accroître.

Les personnes non binaires, trans ou queer, et/ou celles qui occupent des catégories sexuelles autres que « mâle » ou « femelle », ont existé dans toutes les sociétés humaines et tout au long de l'évolution de l'humanité. Ce qui caractérise les catégories de sexe et de genre humaines, c'est qu'elles ne sont ni simples, ni binaires, qu'elles sont toujours influencées par les croyances culturelles de leur époque et qu'elles évoluent. Continuer à travailler sur la base de ces hypothèses réfutées revient à travailler dans la pénombre, à passer à côté de la plus grande partie du tableau et à ne pas s'engager dans une anthropologie scientifique rigoureuse, empiriquement fondée et pertinente.

Agustin Fuentes (Princeton University)
Kathryn Clancy (University of Illinois)
Robin Nelson (Arizona State University)

4. Lettre ouverte en réponse à l'annulation de la session (26/09/2023)

Chères Drs. Ramona Pérez and Monica Heller

Nous sommes déçus que l'American Anthropological Association (AAA) et la Société canadienne d'anthropologie (CASCA) aient choisi d'interdire le dialogue scientifique lors de l'importante conférence conjointe, intitulée « Transitions », qui se tiendra à Toronto en novembre. Notre session, « Let's Talk About Sex Baby : Pourquoi le sexe biologique reste une catégorie analytique nécessaire en anthropologie », a été acceptée le 13 juillet 2023 après que la proposition ait été « examinée par les présidents de programme des sections de l'AAA ou par le Comité scientifique de la CASCA ». Entre le moment de cette acceptation et la réception de votre lettre datée du 25 septembre 2023, personne de l'AAA ou de la CASCA n'a contacté les organisateurs pour leur faire part de ses préoccupations. Ainsi, nous sommes tous choqués que l'AAA et la CASCA aient annulé la session en raison de la fausse accusation selon laquelle « les idées ont été avancées de manière à causer du tort aux membres représentés par les Trans et les LGBTQI de la communauté anthropologique ainsi qu'à la communauté dans son ensemble ». Etant donné la gravité de l'allégation, nous espérons que, plutôt que de la garder secrète, l'AAA et la CASCA partageront avec ses membres et avec nous-mêmes la documentation sur les sources exactes et la nature de ces plaintes, ainsi que la correspondance qui a conduit à cette décision.

Nous sommes perplexes quant au fait que l'AAA / CASCA adopte comme position officielle que conserver l'usage des catégories de sexe biologique (par exemple, mâle et femelle, homme et femme) revient à mettre en péril la sécurité de la communauté LGBTQI. La présentation de notre session, rédigée par Kathleen Lowrey, reconnaît que tous les anthropologues n'ont pas besoin de faire la différence entre le sexe et le genre. L'un des résumés exprime explicitement la crainte que le fait d'ignorer la distinction entre le sexe et l'identité de genre ne porte préjudice aux membres de la communauté LGBTQI. Dans « No bones about it : skeletons are binary ; people may not be » (Il n'y a pas de doute : les squelettes sont binaires ; les gens ne le sont pas forcément), Elizabeth Weiss écrit : « Dans le domaine de la médecine légale, cependant, les anthropologues devraient travailler (et ils le font) sur les moyens de garantir que les squelettes découverts soient identifiés à la fois par leur sexe biologique et leur identité de genre, ce qui est essentiel compte tenu de l'augmentation actuelle du nombre de personnes en transition de genre. »

Kathleen Lowrey a joué un rôle clé dans la constitution du panel des intervenants et dans la définition du thème qui nous rassemblait. Notre équipe réunissait des femmes diverses, dont l'une est lesbienne. En plus de présenter trois domaines de l'anthropologie, elle comprenait également des anthropologues de quatre pays et s'exprimant en trois langues - il s'agissait d'un panel international préoccupé par l'invisibilisation des femmes.

L'anthropologue espagnole Silvia Carrasco avait prévu de présenter des données sur « l'oppression, la violence et l'exploitation fondées sur le sexe » et sur la difficulté d'aborder ces questions lorsqu'on tourne le dos au sexe biologique. Le résumé de l'anthropologue britannique Kathleen Richardson mettait l'accent sur les disparités matérielles entre les sexes dans l'industrie technologique, que l'on gomme en comptant les hommes qui s'identifient comme transgenres comme des femmes, plutôt qu'en faisant entrer davantage de femmes dans le secteur. L'anthropologue canadienne francophone Michèle Sirois devait présenter un compte-rendu ethnographique des manières dont « les féministes québécoises se sont organisées pour documenter, clarifier et s'opposer à l'industrie de la maternité de substitution qui exploite les femmes et qui se cache sous le couvert de l' « équité » et de l' « inclusion » », et dans laquelle les politiques de maternité de substitution qui exploitent les femmes pauvres sont cyniquement présentées comme libératrices.

Votre suggestion selon laquelle notre session compromettrait d'une manière ou d'une autre « l'intégrité scientifique du programme » nous semble particulièrement grave, car la décision de jeter l'anathème sur elle ressemble beaucoup à une réponse anti-scientifique à une campagne de lobbying politisée. Si notre session avait été autorisée à poursuivre ses travaux, nous pouvons vous assurer qu'une contestation animée aurait été accueillie favorablement par les membres du panel et qu'elle aurait même pu survenir entre nous, étant donné que nos propres engagements politiques sont divers. Au lieu de cela, votre lettre exprime l'espoir alarmant que l'AAA et la CASCA deviennent « plus unifiées au sein de chacune de nos associations » afin d'éviter de futurs débats. Plus inquiétant encore, à l'instar d'autres organisations telles que la Society for American Archaeology, l'AAA et la CASCA ont promis qu' « à l'avenir, nous entreprendrons un examen approfondi des processus associés à l'approbation des sessions lors de nos réunions annuelles et nous inclurons nos dirigeants dans cette discussion ». Les anthropologues du monde entier trouveront à juste titre glaçante cette déclaration de guerre contre les divergences et la controverse scientifique. Il s'agit d'une profonde trahison du principe de l'AAA qui consiste à « faire progresser la compréhension humaine et à appliquer cette compréhension aux problèmes les plus urgents du monde ».

Sincèrement

Kathleen Lowrey (Associate Professor at University of Alberta)
Elizabeth Weiss (Professor at San José State University; Heterodox Academy Faculty Fellow)
Kathleen Richardson (Professor at De Montfort University)
Michèle Sirois (Présidente de PDF Québec)
Silvia Carrasco (Professor at Autonomous University of Barcelona)
Carole Hooven (Associate, Department of Psychology, Harvard University; Senior Fellow, American Enterprise Institute) – celle-ci devait participer, mais n'a pas pu le faire en raison d'un imprévu

15 commentaires:

  1. Je ne comprends pas que la distinction entre le sexe et le genre, qui est une façon d'actualiser la vieille distinction entre nature et culture, puisse être considérée comme un fait irréfutable par de nombreux scientifiques.
    Même une anthropologue assez militante comme Priscille Touraille s'est inquiétée de la volonté idéologique de faire disparaître la notion biologique de sexe ( https://journals.openedition.org/jda/5267)

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    1. Pas sûr de vous avoir compris... La première phrase me semble contredire la seconde (ou alors, je vous lis mal).

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    2. Je me suis sans doute mal exprimé. Il me semble que la distinction nature/culture est obsolète. Comme le montre par exemple Lahire dans son dernier ouvrage, les constructions culturelles sont des formalisations de réalités biologiques. Le genre est l'expression culturelle du sexe. Or la distinction nette entre genre et sexe (le genre ne serait qu'une construction plus ou moins arbitraire), et la volonté de nier l'existence même du sexe ("Dans ce nouveau paradigme des études de genre, le sexe n’est plus « un produit de la nature, mais le produit de discours scientifiques donnés »" écrit Priscille Touraille) semblent être un effort pour actualiser la séparation nature/culture. Je m'étonne donc que des scientifiques souscrivent à ce genre de discours.

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  2. Le premier lien (qui commence par "chrome-extension:...") ne fonctionne pas.

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  3. C'est pas de ça dont parle B.Lahire lorsqu'il écrit que les SH s'intéressent plus à l'anormalité qu'aux grandes tendances?

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    1. Ici, le problème n'est pas de critiquer telle ou telle orientation de recherche (et après tout, s'intéresser à l'anormalité, ce n'est pas du tout illégitime, tant qu'on en vient pas à nier l'existence des tendances principales). Mais ce que cette séquence illustre, c'est surtout la volonté d'empêcher un débat (éventuellement contradictoire) au nom des effets présumés de ce débat sur la sensibilité des uns ou des autres. Et là, la question change complètement de nature.

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  4. Emmanuel Florac.22 novembre, 2023 00:16

    Je ne peux m'empêcher de remarquer que les quatre actrices silences sont desortie femmes, ce qui confirme encore une fois que l'idéologie transgenrisme est misogyne (mais je suis sans doute complotiste)

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    1. Octroyer des points de vérité ou de vertu à l'un ou l'autre parti d'un débat scientifique en fonction de qui est le plus concerné par les enjeux du dit débat sur des bases identitaires ça n'est pas le tour de force intellectuel que vous pensez être, c'est tomber dans une rhétorique concerniste. Vous retournez le postmodernisme contre lui-même à défaut de dissimuler votre transphobie. Je doute que répondre à un cas de censure dans le monde scientifique par des élucubrations digne du Figaro sur "l'idéologie transgenrisme" (la même qui force nos enfants à changer de sexe dans les cours d'éducation sexuelles dès la maternelle j'imagine) qui serait intrinsèquement misogyne avant de se complaire ironiquement d'une positon de pas-complotiste-mais-tout-de-même-sachant ne fasse grandement avancer la chose. Respectez-vous et respectez ce blog.

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  5. Je suis d'accord que les arguments avancées par l'AAA, la CASCA et leurs soutiens posent beaucoup de problèmes, et se vautrent dans un certain relativisme : ils nient l'existence d'un certain dimorphisme sexuel, et le confondent avec le genre, ils nient que ce dimorphisme puisse avoir une certaine binarité chez l'être humain (et effectivement, il n'est pas le même chez toutes les espèces animales, mais ça ne peut pas être un argument), ils confondent les incertitudes sur l'identification des ossements et la réalité derrière (à ce jeu-là, on peut dire qu'il n'y a pas grand chose de certain en science), etc.
    Et je suppose que c'est surtout ça qui t'intéressait en traduisant le contenu de ces échanges.
    Cela dit, je peux pas m'empêcher de trouver le contenu de plusieurs des présentations de la conférence plutôt curieux. J'ai trop rien à dire sur le paragraphe d'Elisabeth Weiss, même si, par ailleurs, de ce qu'on en voit sur internet, elle a l'air de frayer avec des franges du conservatisme américain pas tout à fait recommandables.
    Dans celui de Kathleen Richardson, le rapprochement de l'inclusion des trans, queer et non-binaire (quoi qu'on puisse penser de la pertinence de ses catégories) avec la pornographie et les "porn dolls" me paraît quand même très tandencieux.
    Chez Michèle Sirois, à moins qu'il y a un vrai rapport que je ne connais pas, le lien qu'elle fait entre l'"idéologie du genre" et la marchandisation de la GPA me semble aussi très curieux.
    Bref, je ne sais pas ce que tu en penses mais j'ai l'impression qu'il y a quand même un certain nombre de choses curieuses dans ces présentations, et qui pourraient faire penser au retour à l'essentialisme de Marguerite Stern et Dora Moutot en France (pour ne citer qu'elles).
    Entre des faux amis de part et d'autre, pas facile de tenir une position (réellement) matérialiste un peu sérieuse et scientifique.

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    1. J'ai en effet essayé de m'exprimer avec la prudence nécessaire sur ce sujet miné, et encore une fois, je n'ai pas creusé la questin pour savoir jusqu'à quel point je serais d'accord ou non avec le contenu des présentations qui ont été écartées ; et après tout, vu le sujet, il ne serait guère surprenant que certaines d'entre elles procèdent d'intentions assez peu louables (encore une fois, je raisonne par hypothèses, pas sur la base de faits établis).
      Quant au sens central de mon billet et de ma réaction, vous l'avez parfaitement résumé dans votre premier paragraphe... et je ne peux que signer le dernier des deux mains !

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    2. Il me semble pas que les arguments sont de dire qu'il n'y a pas de dimorphisme sexuel. Il est plusieurs fois rappelé dans leur communiqué que le dimorphisme n'est pas aussi binaire que ce que certaines sciences tendent à considérer, et que même au sein des sciences biologiques on conçoit aujourd'hui que le culturel peut avoir un effet sur le biologique ET DONC sur le dimorphisme, qui n'est jamais le même selon contexte social. Sachant aussi tout ce qu'on commence à connaître sur toutes les problématiques liées à l'intersexe. Bref, le texte tend à répondre aux dimosprhistes binaires en disant que qu'il n'est pas aussi binaire qu'on croirait,c'est tout. Pour moi on est pas sur une annihilation du concept de dimorphisme ni de sexe mais plutôt sur une exploration de sa complexité autant biologique que culturelle. Je vous rejoins cependant sur le reste de votre commentaire, qui me pousse à bien comprendre pourquoi l'argument du risque de menace et d'offense aux queers et personnes trans est légitime. Je note d'ailleurs ce passage qui m'a bien fait rire qui dit en gros "oui mais regardez on est pas que conservateurs on a une lesbienne !" super si c'est ça devient un argument ça...Rien n'empêche la transphobie d'exister dans les communautés lesbiennes, elle peut d'ailleurs s'y retrouver très présente au nom d'une certaine conception du féminisme, à l'image de notre cas francais avec Dora M*** . Donc la transphobie peut être un dénominateur commun qui met l'argument de la diversité à l'eau, au delà du sophisme initial. Un faisceau d'éléments qui suffit pour moi à comprendre cette décision.

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  6. Extrait du livre "Les Excès du Genre" de Geneviève Fraisse :
    Car il apparait , en même temps, que ce neutre, « le genre », peut servir de masque, masque qui cache les hommes et les femmes dans un universel qui sait mentir, niant par là même les différences, qui font les inégalités. « Genre » pourrait bien être l’arbre conceptuel qui cache la forêt des « femmes » dans leur réalité subalterne. Comme au temps où, par exemple, on pouvait confondre sans rougir suffrage universel et suffrage masculin (de 1848 à 1944), ou comme aujourd’hui où l’on ne comprend pas toujours qu’une famille « monoparentale » signifie plus de 80% de mères seules. Cela est connu, ce mot nouveau peut avoir un effet contraire à ce qui l’a fait naître.
    Nous comprenons donc que le neutre est soit une abstraction stimulante, soit le masque du mensonge. D’où l’inquiétude d’un possible retour à la case départ, la dualité sexuelle réaffirmée d’un côté, l’abstraction genrée cachant trop souvent la réalité prosaïque des partitions sexuées de l’autre côté. Il fut un temps, et jusqu’à récemment, où cela était bien égal d’ignorer, dans l’écriture de l’histoire comme dans l’analyse sociale, la sexuation des problèmes. Si cette séxuation est reconnue aujourd’hui, il ne semble pourtant pas si facile d’en consacrer la méthode d’analyse.
    Tel serait le deuxième excès, non plus épistémologique mais méthodologique. L’image de l’écran pourrait d’ailleurs qualifier les difficultés de la nouveauté du genre. L’écran, c’est comme un tableau noir, on écrit dessus, on montre ce qu’on choisit de montrer; c’est un champs de vision qui peut « grossir » l’image, et même permet de faire « loupe ». Mais comme il a été dit plus haut, si le genre remplace le mot sexe, il sert autant à désigner la dualité sexuelle ou les femmes, qu’à les faire oublier. Car l’écran, c’est aussi ce qui cache, ce qui masque, voire dissimule.

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  7. Merci pour ce billet et tous les autres.

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  8. Merci beaucoup. Nos sciences vivent des moments inquiétants. Il est très facile d'être stigmatisé si l'on est jugé s'écarter de certaines valeurs qui sont de plus en plus défendues par un absolutisme moral très inquiétant. Les conditions d’un débat sain sont rarement respectées par ces jugements moraux. Je pense aussi au débat de Dan Everett et Noam Chomsky par rapport à la récursivité chez les Piraha...

    En tout cas, ce blog est une très agréable découverte, très rafraîchissante dans un paysage de plus en plus uniforme et étouffant. Merci infiniment pour nous informer sur ces controverses et les autres sujets que vous traitez !

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