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Casus belli, « livre du mois » dans Guerres et histoire

Après le magazine Sciences humaines, qui lui a consacré un long compte-rendu rédigé par Fabien Jobart, c’est au tour de la revue Guerres et histoire de décerner à mon ouvrage le titre de « livre du mois », accompagné de la note maximale et d’une recension chirurgicale signée du spécialiste d’histoire romaine Maxime Petitjean.

Ce livre s’inscrit dans le prolongement des travaux de Christophe Darmangeat sur la guerre dans les sociétés de l’Australie aborigène et dans une réflexion plus large sur les conflits armés au sein des sociétés sans État. L’ambition de l’auteur est de dégager une véritable « grammaire » des conflits armés. D’autres anthropologues s’y étaient déjà essayés, notamment Alain Testart. sans parvenir à établir une grille d’analyse assez cohérente pour embrasser la diversité des phénomènes guerriers observés dans l’histoire humaine, des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique aux conflits étatiques modernes.

Après une brève entrée en matière consacrée aux raids de capture iroquois, Darmangeat expose les principes de sa classification générale, fondée sur deux variables. Un conflit peut d’abord être « résolutif » ou « non résolutif ». Dans le premier cas, il vise à vider un différend et à rétablir la paix – fût-ce en exterminant l’adversaire. À l’inverse, un conflit non résolutif ne cherche pas à mettre un terme à un état d’hostilité préexistant, mais seulement à acquérir des ressources (razzia, chasse aux têtes...) ou à perpétuer un cycle de vengeances routinier (représailles sans fin des Tupinambas). Le second axe oppose les conflits « discrétionnaires » aux conflits « conventionnaires ». Cette distinction permet d’évaluer le degré de limitation de l’affrontement : les premiers sont menés unilatéralement par chaque belligérant. Les seconds sont planifiés de concert selon des règles admises par les deux parties (nombre de combattants, choix des armes et, surtout, conditions de la fin du combat). Chaque configuration est illustrée par des exemples empruntés à un vaste répertoire de données historiques et ethnographiques. Le lecteur voyage ainsi de la Nouvelle-Guinée à l’Amérique des Plaines, en passant par les sociétés de l’Antiquité classique et les empires précolombiens.

Des pages savoureuses sont consacrées à la « chasse aux têtes » – pour la première fois envisagée comme un phénomène global – et à la « guerre fleurie » des Mexicas. Fort de sa démonstration, Darmangeat propose de redéfinir la notion de guerre en reléguant au second plan le critère le plus couramment retenu, celui de l’organisation sociale des belligérants (la guerre comme conflit armé entre États ou unités politiques). Ici, la guerre se distingue d’abord par sa finalité : elle suppose une modification substantielle des rapports sociaux avec le vaincu et tend idéalement à s’affranchir de toute restriction. Elle est à la fois résolutive et discrétionnaire. En ce sens, elle constitue un phénomène social enraciné dans la préhistoire de l’humanité. Tout le chapitre six revient ainsi sur le problème des « origines de la guerre » et tire le meilleur parti de l’archéologie, de l’éthologie et de la biologie évolutionniste, sans jamais verser dans la caricature ni les raccourcis.

Voilà un ouvrage appelé à faire date, et dont la lecture mérite d’être recommandée.

Maxime Petitjean

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    message sans rapport avec la revue mais avec avec le livre (et son auteur).

    Dans "L'Humanité" du vendredi 19 décembre, double page (p24 et p25) avec photo (de l'auteur), de l'entretien du journaliste Pierre-Henri Lab avec C Darmangeat sur son ouvrage (devenu un classique incontournable :-) ).

    Didier B (anonyme)

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