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« Le corps de mon ennemi » : un colloque à venir (avril 2024)

Illustration parue dans L'Homme primitif
(L. Figuier, 1870)

Dans quelques mois, cet événement public que j'ai le plaisir d'organiser avec Arthur Gicqueau, Jean-Marc Pétillon et Nicolas Teyssandier rassemblera archéologues, anthropologues et primatologues pour discuter d'un thème rarement abordé par la recherche académique française en Préhistoire : la guerre primitive... ou ce qui lui ressemble ! Ce sera les mardi 23 et mercredi 24 avril à l'Université Jean Jaurès (Toulouse), et les débats donneront ensuite lieu à une publication dans le cadre des Séances en ligne de la Société Préhistorique française.

Un site internet est d'ores et déjà en ligne, sur lequel on trouvera entre autres la liste des intervenants, qui sera actualisée au fur et à mesure des éventuelles modifications.

Enfin, je recopie la présentation de l'événèmenent qui figure sur le site, à lire... et à faire circuler !

« Le corps de mon ennemi »

La guerre provient-elle du fond des âges, voire de notre héritage biologique, ou est-elle apparue à un stade déterminé de l'évolution des sociétés ? À cette vieille interrogation, une partie importante du monde scientifique tend de nos jours à répondre par la seconde proposition, arguant notamment de l'absence de traces convaincantes de conflits collectifs armés pour les périodes reculées et situant l'émergence de la guerre quelque part entre la fin du Néolithique et l'Âge du Bronze.

Pourtant, dans les dernières années, et pour ne parler que de la France, divers travaux sont venus contester cette vision, que ce soit sur la base d'arguments ethnologiques [1] ou archéologiques [2]. À l'échelle internationale, la découverte du charnier de Nataruk [3], qui fait suite à celle du site de Djebel Sahaba, récemment réétudié [4] a remis en cause le pacifisme supposé des sociétés de chasseurs-cueilleurs, à tout le moins des plus tardives d’entre elles.

Le sujet est d'autant plus complexe que d'une part, la guerre est un concept souvent mal défini, et que d'autre part les sociétés humaines ont inventé bien des modalités d'affrontements collectifs : l'anthropologie sociale s'efforce depuis longtemps de comprendre comment s'articulent, entre autres, les guerres proprement dites, les feuds (vendettas), les combats dits « ritualisés » pratiqués dans maintes sociétés, mais aussi (liste non limitative) des expéditions parfois qualifiées de « guerre à petite échelle » s'inscrivant dans des relations d'hostilité perpétuelle. Cette variété des formes se double de celle des objectifs poursuivis : la vengeance représente ainsi un motif privilégié d'affrontements. Quant à l'acquisition de ressources, dans laquelle on voit parfois la raison ultime et universelle des hostilités, elle soulève au moins le problème de ces substances corporelles aux effets imaginaires, à commencer par les têtes qui constituent le but premier de nombre d'expéditions militaires, en particulier dans l'Asie du Sud-Est précoloniale.

Ce colloque, qui réunira préhistoriens et anthropologues sociaux et laissera une large part à la discussion collective, tentera d'éclairer ces questions en traitant aussi bien des concepts utilisés, des enseignements de la primatologie, de divers cas ethnologiques, que les difficultés soulevées par l'interprétation des traces matérielles.

Références

  1. Christophe Darmangeat, Justice et guerre en Australie aborigène (Toulouse: Smolny, 2021).
  2. Bruno Boulestin et Dominique Henry-Gambier, Les restes humains badegouliens de la grotte du Placard: cannibalisme et guerre il y a 20 000 ans, Archaeopress archaeology (Oxford: Archaeopress Publishing, 2019).
  3. M. Mirazón Lahr et al., « Inter-Group Violence among Early Holocene Hunter-Gatherers of West Turkana, Kenya », Nature 529, n°7586 (2016): 394‑98.
  4. Isabelle Crevecoeur et al., « New Insights on Interpersonal Violence in the Late Pleistocene Based on the Nile Valley Cemetery of Jebel Sahaba », Scientific Reports 11, n°1 (27 mai 2021): 9991.

3 commentaires:

  1. Bonjour, à vous lire je découvre la participation de Nicolas TEYSSANDIER à ce colloque, heureuse coïncidence sur un blog (et des travaux) souvent consacré à l'Australie et aux Aborigènes, car hier, à l'écoute de cette émission sur France Culture (intervention entre les 47ème et 49ème minutes): https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/ruines-en-peril-les-sites-archeologiques-menaces-6366180 , j'ai intuitivement désapprouvé les déclarations (péremptoires?) de N. TEYSSANDIER sur la (supposée) continuité culturelle, sociale et technique des Aborigènes et de leurs prédécesseurs paléolithiques, faisant conséquemment d'eux les meilleurs protecteurs de ce patrimoine pariétal (alors que je garde un souvenir peiné dans un documentaire de peintures préhistoriques repeintes à grands traits et sans vergogne par des Aborigènes contemporains). J'ai eu l'impression qu'une noble volonté vulgarisatrice accouchait de contre-vérités. M. Darmengeat, je serais très curieux d'avoir votre avis sur ces questions. Merci pour tous vos articles qui me passionnent depuis des années. Cordialement. JC.

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    1. Ce n'est pas parce que le colloque est à Toulouse, ni que c'est la coupe de monde de rugby, mais je vais un peu botter en touche. En fait, je connais (assez) bien certains aspects de l'Australie aborigène précoloniale, mais je suis très peu qualifié sur ce qui s'y passe aujourd'hui, et sur la situations présente des communautés aborigènes. Cela dit, j'ai quand même le sentiment que ce que dit Nicolas est assez censé, et qu'effectivement, il y a entre la préhistoire et les Aborigènes actuels une continuité sociale et culturelle très différente de celle qui existe, par exemple, en Europe occidentale.
      Sur les « barbouillages » de peintures préhistoriques, je ne me prononcerai pas, mais êtes-vous certain de l'information ? Il existe en effet en Australie une longue tradition consistant à rafraîchir les peintures lors des cérémonies religieuses, cet rite étant censé favoriser la reproduction des espèces concernées. Cela ne pourrait pas être çà ?

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    2. Merci pour votre raisonnable réponse, cela s'entend, je ne savais exactement comment interpréter ces 2 minutes de commentaires dans une émission qui de toute façon brassait large; "les écrits restent et les mots s'envolent", laissons-les alors papillonner. Salutations. JC.

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