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Une lettre imaginaire

Ainsi que je le pressentais dans mon dernier billet, la lettre que j'avais imaginée n'a pas été retenue par les organisateurs de l'émission. Celle-ci sera avant tout un divertissement, et ma proposition penchait sans doute trop du côté de la vulgarisation scientifique. Et comme l'avantage (et l'inconvénient ?) de tenir un blog, c'est qu'on est seul juge de la qualité de ce qu'on y publie, je m'autorise moi-même de ce pas à reproduire ladite lettre ci-après. Ceux qui me lisent régulièrement sauront y voir les nombreuses allusions à quelques problèmes que j'ai déjà abordés bien des fois...
À l'éminent Président de la Société des Études de Nous
Ami Président
Avec les copains, on a pas mal hésité à t’écrire. Ça a causé ferme, entre ceux qui ne voulaient pas te dévoiler le pot-aux-roses, et ceux qui se disaient que si les plus courtes sont les meilleures, à vingt millénaires la blague, on avait quand même assez rigolé comme ça. Et comme on est des primitifs, mais pas des sauvages, c’est ceux-là qui ont fini par emporter le morceau.
Alors voilà : comme tu le sais sans doute – ou plutôt, comme tu ne le sais sans doute pas –, nous autres les Vrais Gens, on n’est pas que des enfants de chœur. Attention, on sait vivre : on aime la musique et la poésie, et on a même quelques vrais balaises du coup de crayon, qui te font des bisons et des chevaux plus vrais que les vrais. Avec les voisins, ça se passe plutôt bien dans l’ensemble, même s’ils ont un drôle d’accent et que côté bonnes mœurs, il y aurait quand même quelques trucs à redire. Bref, on est tout ce qu’il y a de polis et sociables. Mais quand les Bunga-Bunga là-bas, de l’autre côté de la rivière, prennent leurs aises et commencent à croire qu’ils peuvent tranquillement nous lancer des sorts ou nous voler des femmes, on sait se faire respecter et leur apprendre la vie.
Alors, l’autre jour, on a aiguisé les lances à barbelés, réparé les massues, on a rameuté les copains et on leur a remis ça dans le crâne, ou plutôt, dans ce qui leur en est resté. Je ne rentre pas dans les détails croustillants parce que les enfants ne sont pas là, mais je peux te dire qu’ils ne sont pas près d’y revenir.
Et c’est là qu'on a eu une idée de génie : « on va inventer le crime parfait ». Réfléchissez, les gars  : déjà que toutes nos armes sont en bois, dans cinquante ans, c’est sûr, elles auront disparu. « Et les cadavres ? », a demandé quelqu'un.  « Ben, réfléchis, déjà, suffit de pas les enterrer ». Sur quoi, il y a eu toute une discussion. La moitié était pour qu’on bouffe les ennemis, ne serait-ce que pour le plaisir de les découper en morceaux. L’autre moitié voulait qu’on bouffe nos potes qui étaient morts, parce que justement, les morts, ça se respecte (« Tu aimes ton papa ? Alors reprend-en »).
En tout cas, on a tout super-bien nettoyé et, ami Président, en rotant du Bunga-Bunga et en pensant à ce que toi et tes collègues allaient écrire sur nous, on s’est bien marrés. On vous a vu d’ici raconter qu’on était la douceur incarnée, qu’on ne se tapait jamais dessus, tout au plus une baffe ou deux de temps en temps. La bonne blague ! Pas de trace, le crime parfait, je te dis.
Allez, je sais que tu ne nous en voudras pas trop. Après tout, c'est aussi grâce à nos cachotteries que tu ne t'ennuies pas au travail ! Alors, tout ça, si j’ose dire… c’est de bonne guerre.

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