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« Le dieu des sociétés joue-t-il aux dés ? » : l'enregistrement

Il y a quelques jours, j'avais le plaisir d'être l'invité d'une journée d'études de la Société Préhistorique Française consacrée à ce que l'on peut appeler la philosophie de l'Histoire (ou les conceptions de l'évolution sociale), en particulier autour du livre de David Graeber et David Wengrow, Au commencement était.

J'ai donc discuté de manière critique, à la fois de ce qui me semble constituer une vision idéaliste de l'histoire (les « choix » qu'effectueraient les sociétés) et d'un accent indû placé sur la contingence dans la marche générale des événements. Mon intervention, qui a duré environ 30 mn, était appuyée sur une présentation powerpoint que l'on peut télécharger ici. Elle a été suivie d'un débat, dont le premier intervenant a été David Wengrow lui-même.

Comme il est d'usage, cette présentation prendra d'ici quelques mois la forme d'un texte écrit. Mais en attendant, on peut d'ores et déjà en écouter l'enregistrement.

17 commentaires:

  1. Mais quel mouvement de pensée, philosophie ou chercheur.chercheuse peut occuper le 3ème quadrant; celui des matérialistes-contigents?

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    1. Si on parle d'évolution biologique, c'est clairement la place occupée par le Stephen Jay Gould de « La vie est belle ». Je suis sûr et certain qu'il existe le pendant de telles conceptions pour l'évolution des sociétés, mais je n'ai pas de nom qui me vienne.

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  2. Bonjour. Y a t il un enregistrement video de ce seminaire? Merci de votre réponse.

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  3. Bonjour, merci beaucoup pour cette présentation, c'est très éclairant.

    Plein de questions me sont venues à l'écoute, j'en note ici quelques-unes au cas où vous ayez la disponibilité d'y répondre :
    - est-ce que "contingence" et "déterminisme" en sciences sociales c'est la même chose que "hasard" et "nécessité" en sciences du vivant ?
    - est-ce que l'"idéalisme" en sciences sociales est le "créationnisme" en sciences du vivant ?
    - ce n'est pas une question, mais juste dire que le carré "idéaliste et déterministe" est particulièrement éclairant pour moi, je pense que c'est le truc qui me manquait pour bien comprendre les écrits que vous m'aviez conseillé dans un autre commentaire.
    - est-ce qu'on peut dire que le carré "idéaliste et contingent" est une façon de pensée relativement nouvelle dans la pensée humaine ? (en tout cas ça fait un carton :)
    - vers la fin, je comprend pourquoi vous dites que technique et cerveau sont les "moteurs" des évolutions sociales et bio des humains, mais il me semble que vous généralisez à l'ensemble des êtres vivants (mais peut-être ai-je mal compris), et là je ne comprend plus, car la technique n'est pas le moteur de l'évolution sociale des loups, par exemple, et le cerveau n'est pas le moteur de l'évolution biologique des blattes.

    J'espère que vous aurez la place de bien développer cet exposé dans la version écrite, ce serait d'une grande utilité.

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    1. Je vais relire "Une évolution désorientée", j'aurais du le faire avant d'écrire mon commentaire, mais du coup si des réponses à certaines de mes questions y sont, ne vous donnez pas la peine de refaire le travail...

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    2. Bonjour

      Effectivement, plusieurs réponses se trouvent dans mon texte « Une évolution désorientée », mais comme ce texte était lui-même d'une rédacton très resserée, certains points méritent qu'on y revienne. Je vais essayer d'être à la fois clair et pas trop bavard... vous me direz.

      1. Sur le plan des définitions pures, je crois que hasard et contingence d'une part, déterminime et nécessité d'autre part sont des synonymes. Mon problème, c'est de savoir de quoi on parle, et plus précisément à quelle échelle on se situe. La mutation d'un organisme lors de sa reproduction, pour un physicien, relève du déterminisme : la mauvaise recopie du brin d'ADN est due à des fecteurs chimiques et physiques théoriquement identifiables. Mais pour le biologiste, elle relève du hasard : on sait que sur un grand nombre de reproductions, certaines seront mutantes (dont la grande majorité non viables). On ne sait ni lesquelles, ni pour quelles raisons précises à chaque fois, mais cela n'a pas d'importance, et l'on peut ranger cela dans la rubrique du hasard. Tout le monde est d'accord là-dessus. La question qui divise est : cette somme de hasards qui interviennent à chaque reproduction de chaque espèce produit-elle au total une évolution elle-même hasardeuse (contingente), ou bien à ce niveau supérieur, certaines contraintes interviennent-elles pour imposer un degré plus ou moins étroit de déterminisme (de contingence) ?
      Pour prendre une métaphore, si l'on secoue une boite pleine de billes de différentes tailles jetées en vrac, la position de chaque bille peut être considérée comme le fruit du hasard. Cela n'empêche pas que plus on secoue la boîte, plus les petites billes tendent à en occuper le fond.

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    3. 2. Le créationnisme est un idéalisme, mais il peut y avoir un idéalisme non créationniste : par exemple la théorie de l'Intelligence design, qui admet l'évolution tout en affirmant que celle-ci a été guidée par une volonté surnaturelle.

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    4. 3. Je ne connais pas assez bien l'histoire des idées pour savoir si le combo « idéaliste et contingent » est si nouveau que cela. Naïvement peut-être, j'aurais tendance à penser qu'on a pendant longtemps voulu comprendre les choses, et donc qu'on a voulu rechercher des déterminismes. Cette fascination contemporaine pour expliquer qu'au bout du compte, on ne peut pas expliquer grand chose car tout aurait pu être autrement, a quelque chose d'assez désarmant. Cela dit, je pense qu'on doit pouvoir en trouver des formes antérieures, ne serait-ce que dans une version fruste, chez certains mystiques qui ont dû raconter que les dieux se jouaient des hommes, et que l'histoire n'était qu'une suite de caprices divins dans laquelle il ne fallait pas chercher de logique.

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    5. 4. Je ne dis pas que la technique est le moteur de l'évolution sociale, ni le cerveau de l'évolution biologique. D'une part, le terme de « moteur » serait mal choisi. Je dis que l'évolution des sociétés humaines s'organise autour des progrès de la technique – ce n'est pas tout à fait la même chose. Pour ce qui est du cerveau, il n'est qu'un cas particulier du phénomène le plus général : celui de l'homéostasie, c'est-à-dire la capacité d'un organisme à s'abstraire des variations de son milieu – mais celle-ci commence avec la membrane cellulaire, qui permet de distinguer un « dedans » et un « dehors ». Il me semble que l'évolution biologique peut être lue comme celle des progrès de cette capacité, et c'est là où il y a un parallèle avec la technique dans les sociétés humaines.

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  4. Merci pour vos réponses et vos précisions.

    2- Ce que je trouve intéressant dans le parallèle entre "créationnisme" et "idéalisme" c'est que pour une personne athée, le matérialisme en biologie est une évidence : je trouve ça idiot de penser que les choses existent et évoluent parce qu'un dieu en décide ainsi. Partant de là n'est-il pas tout aussi idiot de penser qu'au niveau social les humains seraient des sortes de dieux qui créent les choses existantes et leur évolution ? Je n'ai pas encore assez d'éléments de compréhension pour que cette idée soit solide, mais ce parallèle m'aide bien.

    3-Dans ce que je connais : "idéaliste et contingent" il y a toute une partie de la gauche radicale, "idéaliste et déterministe" il y a tout le nuancier du mouvement new-âge et développement personnel, et il y a des zones de rencontres entre les 2, par exemple l'écofeminisme. Ça fait pas mal de monde de gauche au final, c'est pourquoi je parle de la grande utilité actuelle de ce genre d'outil d'analyse.

    4- Ok je comprends un peu mieux.

    Ces questions m’intéressent en elles-mêmes, par curiosité intellectuelle, et je les comprends mieux au fur et à mesure de mes lectures (j'ai d'ailleurs commencé le gros bouquin de Lahire). Mais elles m’intéressent aussi dans leur lien avec la politique, de façon un peu plus "inquiète" je dirais. Mais je ne prends pas le temps de lire suffisamment pour avancer dans ma compréhension sur cet aspect-là. En gros pour l'instant je comprends que Marx a apporté des éléments de compréhension sociologique mais je ne comprend pas en quoi les propositions politiques qui suivent (de lui et dans sa lignée) doivent être qualifiées de "materialistes", alors que ce sont des élaborations (des idées) tout autant que le reste. J'ai bien conscience de la nébulosité de mon questionnement et je ne vous demande pas d'y répondre, c'était juste pour me situer, en quelque sorte :)

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    1. Lisez cela : https://www.marxists.org/francais/plekhanov/works/1904/00/plekhanov_19040000.htm
      C'est beaucoup plus court que Lahire, et cela devrait répondre au moins à certaines de vos questions !

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    2. Oui vous me l'aviez déjà conseillé, ainsi que "socialisme utopique et socialisme scientifique". Je pense que j'ai grosso-modo compris le propos. Ce que je ne comprends pas c'est la suite, le lien pensé comme logique avec des propositions et actions politiques qui en découleraient. Mais je n'arrive pas pour l'instant à formuler mon incompréhension, il me manque trop d'éléments. Je reviendrai plus tard :). Merci en tout cas.

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  5. Bonjour Christophe, est-ce que vous avez écrit (et publié) le texte issu de cette intervention ? Il me semble que non, mais ça m'a peut-être échappé.

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    1. Ecrit oui, publié pas encore ! Mais si vous m'envoyez un mail, je peux vous faire parvenir la version (provisoire) du texte.

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    2. Tiens, moi aussi je suis intéressé ! A priori, tu sais comment me contacter :-)

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