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À propos des modes de production

Le but de ce billet n'est pas de présenter une découverte, réelle ou supposée, sur ce sujet difficile, mais simplement de présenter ce qui, à mes yeux, pourrait occuper utilement quelques régiments de chercheurs marxistes (régiments qui font hélas cruellement défaut, mais c'est une autre question).
On sait que le concept central employé par Marx pour classifier les sociétés – en tout cas, les sociétés de classes – est celui du « mode de production ». Deux idées président à ce choix. La première est que le socle d'une société, son ossature, qui détermine (ou qui contraint) fondamentalement l'ensemble de ses autres traits, c'est sa structure techno-économique. La seconde idée est que si les sociétés de classes (y compris le capitalisme, malgré les dénégations de ses idéologues) ont en commun de reposer sur l'appropriation unilatérale du travail des producteurs par la classe dominante, elles diffèrent par la manière dont ce « surtravail » est approprié : c'est ce mode spécifique d'extorsion du surtravail qui définit le mode de production.
Au cas où il en était besoin, je précise d'emblée que ce génial point de départ me paraît toujours aussi juste que lorsqu'il a été formulé et qu'il constitue la base la plus sûre pour procéder à l'étude des sociétés et de leur évolution. Pour reprendre à mon compte un bon mot lancé y a quelques décennies : « le marxisme est un paradigme dépassé, quoique par aucun autre ».
Cependant, s'il serait problématique de rejeter ce point de départ, il le serait presque autant de considérer que Marx a eu le temps et l'opportunité d'accomplir tout ce qui pouvait l'être, et que les quelques indications qu'il a laissées doivent être tenues pour le fin mot de la science sociale. Une telle attitude serait d'ailleurs en opposition frontale avec celle de Marx et Engels eux-mêmes qui, sur cette question des modes de production comme sur toutes les autres, n'ont cessé tout au long de leur vie d'émettre des hypothèses et de les réexaminer, en approfondissant certaines et en abandonnant d'autres. En fait, une tâche aussi élémentaire que celle de l'inventaire des modes de production est très loin d'être achevée – je dirais même volontiers qu'elle a été à peine entreprise. Tout marxiste débutant aura appris que « À grands traits, les modes de production asiatique, antique, féodal et bourgeois moderne peuvent être qualifiés d'époques progressives de la formation sociale économique. » (préface de la Critique de l'économie politique). Moyennant certains ajustements, cette formulation prudente (et provisoire) devint un dogme sous Staline, sous la forme de la théorie dite des « cinq stades » : l'évolution sociale se serait partout déroulée selon la succession (plus ou moins rapide) du communisme primitif, de l'esclavagisme, du féodalisme, du capitalisme, puis du socialisme moderne (ou futur).
Un premier problème, évident, de la théorie des cinq stades, est qu'elle faisait disparaître purement et simplement le mode de production asiatique. Si je me souviens bien, c'est au congrès de Tiflis, en 1929, que celui-ci fut banni de l'orthodoxie – en raison sans doute du fait qu'il évoquait d'un peu trop près le régime de la bureaucratie soviétique. C'est d'ailleurs après la déstalinisation, dans les années 1960 puis 1970, que le mode de production asiatique fut à nouveau discuté (le CERM lui consacra, par exemple, un volume entier). Au demeurant, certains auteurs tels que Perry Anderson (L'État absolutiste) allèrent jusqu'à douter de sa pertinence – en tout cas, ils insistèrent sur le fait que le concept originel reposait sur une vision biaisée du monde traditionnel indien ou chinois. L'idée que ces sociétés auraient été marquées par l'absence de la propriété privée de la terre et donc, d'une classe de propriétaires fonciers susceptibles de faire pièce au pouvoir despotique de l'État est une vision occidentale remontant au XVIIIe siècle, de laquelle Marx ne possédait pas les éléments factuels pour se départir, et qui n'aurait guère correspondu à la réalité. De sorte que si, réellement, certaines formations sociales ont répondu à la définition du mode de production asiatique, il s'est sans doute bien davantage agi de l'Empire ottoman, du moins dans les premiers temps de son existence, ou de l'État inca.
Mais le mode de production asiatique n'est pas le seul à poser problème. Les spécialistes de l'histoire médiévale me corrigeront le cas échéant, mais j'ai le sentiment que la définition du mode de production féodal, loin de faire consensus, s'applique d'un auteur à l'autre à des réalités très différentes. Compris dans son sens le plus strict, le féodalisme n'aurait existé que dans une zone limitée de l'Europe occidentale, durant quelques décennies, autour de l'an mille. Utilisé dans son sens le plus large, le qualificatif de « féodal » s'applique à peu près à toutes les sociétés précapitalistes possédant des classes et ne reposant pas sur l'esclavage généralisé (c'est dans ce sens large qu'on le rencontre régulièrement, par exemple, sous la plume de Lénine). Dans un cas comme dans l'autre, le défi lancé à la compréhension de l'évolution sociale est de taille : si le féodalisme n'a existé presque nulle part, comment qualifier les sociétés européennes du Moyen-Âge et de la Renaissance, sans parler des Etats asiatiques de la même époque ? Et si toutes ces sociétés doivent être dites « féodales », comment comprendre (entre autres) l'abîme qui séparait la France de l'an mille de celle de Louis XIV ?
En réalité, et même si l'affirmation qui suit est un peu provocatrice, le seul mode de production réellement identifié et analysé par Marx a été le capitalisme. Tous les problèmes liés aux modes de production du passé n'ont pu être à l'époque qu'effleurés, à la fois en raison de l'ampleur de la tâche et des lacunes dans les connaissances.
Premier point, donc : on ne doit pas confondre un programme de recherches et les résultats de ce programme. De même que la formulation de la théorie darwinienne ne dispense nullement du travail consistant à poursuivre l'inventaire raisonné des espèces présentes ou passées, la formulation des principes du matérialisme historique et du concept de mode de production ne doit nullement dispenser d'étudier quels ont été ces modes de production – et, je le répète, il semble difficilement contestable que cette étude n'a en réalité qu'été esquissée.
La tâche est d'autant moins aisée que la réalité sociale, comme toujours, résiste obstinément aux approches trop simples. Pour commencer, les sociétés entremêlent souvent les modes de production ; on peut ainsi voir un secteur capitaliste (ou proto-capitaliste) émerger dans une société qui reste féodale (si ce mot signifie quelque chose) ou s'articuler avec une économie fondée sur les relations de parenté et la production pour l'auto-consommation (comme dans les exemples coloniaux africains étudiés par les anthropologues marxistes français il y a une cinquantaine d'années). C'est cette combinaison que Samir Amin avait essayé d'appréhender, me semble-t-il, avec son concept de « formation sociale », qui était en quelque sorte aux modes de production ce que les molécules sont aux atomes.
Il faut cependant, je crois, aller plus loin en reconnaissant que les modes de production eux-mêmes, fussent-ils « purs », ne s'ordonnent certainement pas selon une simple liste, en raison du fait que certains (la plupart ?) d'entre eux possèdent des caractères hybrides. Dans le meilleurs des cas, ces caractères obligent à adopter une classification en arbre, avec des catégories plus générales, déclinées sur différents niveaux en catégories plus spécifiques. Là encore, Samir Amin avait ouvert cette voie en proposant son mode de production (ou sa famille de modes de production) dit « tributaire », qui englobait les différents systèmes où le prélèvement du surtravail procédait d'une autorité politique. Mais on ne doit pas écarter a priori la possibilité que l'arborescence ne parvienne pas à rendre compte du réel de manière satisfaisante, et que la classification doive former une sorte de réseau, certains modes de production se rattachant à la fois à deux catégories « mères ».
Pour illustrer cette difficulté, je pense par exemple au type de rapports économiques qui régnaient dans les États méridionaux de l'Amérique du Nord au XVIIIe siècle et durant la première partie du XIXe. La relation qui liait les exploiteurs aux travailleurs était l'esclavage. Mais les exploiteurs eux-mêmes étaient totalement insérés dans le système capitaliste mondial, dont ils étaient un des rouages, sinon l'une des composantes. Dès lors, faut-il rattacher un tel système à l'esclavagisme, au risque de la ranger indûment avec des sociétés antiques (ou avec certaines sociétés asiatiques ou africaines) en réalité très différentes ? Ou doit-on le considérer comme une variante du capitalisme, au risque de minimiser l'importance de la relation d'exploitation ? On voit que ce choix implique une prise de position quant à la place que tient la relation d'exploitation dans la classification. Si l'on considère celle-ci comme primordiale (suivant en cela la lettre des écrits de Marx), alors les États du Sud relevaient du mode de production esclavagiste, et doivent donc être considérés par leur structure économique comme plus proches de l'Athènes antique que de la Londres de la révolution industrielle. Si, inversement, on décide de privilégier les relations entre la classe dominante locale et le système mondial, et considérer que la relation d'exploitation ne constitue que le caractère secondaire d'un mode de production – celui des États du sud devrait alors être considéré comme un capitalisme déviant.
Mon intuition (qui ne prétend, pour le moment, à rien de plus) est que face à ce genre de dilemme, la classification par arborescence est une impasse. Contrairement aux êtres vivants, les sociétés ne sont pas le produit d'une évolution par spéciation et extinction. Les phénomènes d'emprunt, de diffusion et de convergence aboutissent à des combinaisons de traits qui ne peuvent ni de doivent être rattachés par la filiation à une origine unique. Les modes de production forment donc une trace, un réseau, qu'il est vain de vouloir découper en sous-ensembles discrets – le choix d'un critère principal plutôt qu'un autre aboutissant à un découpage différent, mais forcément mutilant.
En tout cas, le pire serait de croire que la question serait résolue, alors que par dogmatisme dans un premier temps et par manque de forces dans un second, elle n'a jamais été étudiée autrement que de manière marginale.

16 commentaires:

  1. Merci pour cette réflexion !

    Quand tu mentionnes Samir Amin tu penses au livre "Le développement inégal - Essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique" ? .. ?


    Par ailleurs, le seul que je connaisse (je ne suis pas chercheur) qui ai tenté une théorie générale des MDP c'est Robert Fossaert dans le Tome II de La société : une théorie générale - "Les structures économiques":

    http://classiques.uqac.ca/contemporains/fossaert_robert/la_societe_tome_2/tome_2_tdm.html

    Tu connais ? Qu'en penses tu ?

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    1. Pour Samir Amin, je ne me souvenais plus du livre, mais c'est bien celui-là en effet. Pour R. Fossaert, je ne connaissais pas, mais ça a l'air très alléchant (je viens de voir la table des matières). Je le rajoute sur la pile, mais là j'avais prévu d'avancer sur des thèmes plus « primitifs ». Tant pis, je le lirai entre deux cassages de figure chez les Inuits !

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  2. Le concept de mode de production tributaire est dans L'Eurocentrisme. Le marxiste brésilien Jacob Gorender a écrit O Escravismo Colonial, qui est un effort de formulation des lois de mouvement du mode de production esclavagiste dans l'Amérique (selon lui, un mode de production nouveau et pas assimilable à l'esclavage classique)

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    1. Je pense qu'il est tout à fait possible de défendre l'idée que le monde de production des plantations sud-américaines est un type particulier. En revanche, je ne comprends pas en quoi l'idée d'un mode de production tributaire (ou d'une famille de modes de production tributaires) serait eurocentriste...

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  3. Non, L'Eurocentrisme c'est le titre du livre 😂😂😂

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    1. Ha d'accord ! Mais pour Samir Amin, il me semble qu'il l'expose avant tout dans "Le développement inégal", comme Nomis le faisait remarquer juste avant.

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  4. Hello Christophe,

    > si le féodalisme n'a existé presque nulle part, comment qualifier les sociétés européennes du Moyen-Âge et de la Renaissance, sans parler des Etats asiatiques de la même époque ?

    Je suis curieux : pourquoi le féodalisme n'aurait existé « presque nulle part » ?

    Stricto sensu, il me semble que le féodalisme est une organisation du pouvoir politique et territorial, basée sur une privatisation du droit, l'absence d'un État à proprement parler (c'est-à-dire, qui serait distinct au moins en partie du détenteur du pouvoir politique) et des rapports d'allégeance personnels (importance du serment). Ces rapports ont existé un peu plus que quelques décennies, non ?

    Par ailleurs, il me semble aussi que si on emploie le terme « féodalisme » pour désigner un mode de production économique, alors que ce terme désigne précisément autre chose qu'un rapport économique, alors c'est peut-être un aveu que l'on ne sait pas vraiment en quoi consiste exactement le mode de production économique en question (au contraire d'« esclavagisme » et « capitalisme »). Mais je veux bien qu'on m'explique où je me trompe :-)

    Sans être spécialiste, le féodalisme se caractérise par un fourmillement de statuts et de régimes juridiques (soit personnels, soit catégoriels), qui permettent l'existence de divers mode de production (l'esclavage, le servage, et des formes assez variées de salariat, par exemple) dans des proportions très variables...

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    1. Hello

      Dans cette affaire, une grande partie du problème (et des éventuelles solutions) sont liées aux définitions. Encore une fois, je ne suis pas médiéviste, et ce que j'écris là repose sur des souvenirs un peu lointains. Mais je me rappelle que des auteurs qui mettaient l'accent, justement, sur la structure politique émiettée et les rapports de subordination personnels insistaient sur le caractère circonscrit du phénomène, dans le temps et dans l'espace. En fait, le féodalisme (pur) est éminemment instable. Né de la décomposition d'un pouvoir central, il tend en retour à céder la place à la reconstitution de celui-ci – j'ai été jeter un œil sur wikipedia, qui dit en gros que le féodalisme proprement dit n'a plus grand sens dès le XIIe siècle et la réémergence d'un pouvoir royal.
      Après, l'autre question, que tu soulignes à juste titre dans ta dernière phrase, c'est dans quelle mesure cette structure politique est réellement liée au mode d'extraction du surtravail – parce que c'est quand même cela qui est censé, normalement, définir le mode de production avant toute chose. En toute rigueur, il faudrait donc parler de mode de production "à servage" (il n'y a pas d'adjectif, si ?) plutôt que "féodal". Et là aussi, les ennuis arrivent vite : les deux ne coïncident pas vraiment, et le servage lui-même, si j'ai bien compris ce que j'ai lu, c'est un vrai bazar de statuts juridiques où personne ne peut très conclure avec certitude quelles relations économiques ils étaient censés recouvrir.
      Donc tout cela, comme souvent en sciences sociales, cela fonctionne assez bien en gros. Et dès qu'on entre un peu plus dans le détail (ou qu'on écarte les idées reçues), les problèmes surgissent par dizaines.

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  5. Bonjour,
    Là, tu pêche le gros, le super-gros !
    Je suis tout à fait d'accord avec toi sur le fait que Marx a bien jeté la base de toute conception de l'histoire qui se tient – même si je trouve que tu dédouane un peu vite Marx et Engels de formulations parfois à l'emporte-pièce, toutes prêtes à être détournées et manipulées et pas seulement par Staline et ses sbires.
    Ceci dit, je pense qu'il est aberrant de vouloir coller à tout prix à l'idée qu'on se fait de ce que Marx et Engels ont dit à un moment donné avec des connaissances limitées (celles de leur époque), comme l'ont fait Godelier, Meillassoux, Wittfogel par exemple et bien d'autres (ce qui n'enlève rien à d'autres aspects de leurs travaux). Des générations de théoriciens de grande qualité, etc. ont poussé très loin certaines idées ; leurs théories se sont toutes avérées de mauvaise qualité. Entre parenthèse, je suis étonné par ton utilisation d'un soi-disant mode de production esclavagiste et de bien d'autres points (le Japon féodal en comparaison de l'Europe féodale, etc.)
    Une tentative exceptionnelle de reprendre ce problème d'une manière très différente, peut-être trop différente, fut celle d'Alain Testart au cours de son dernier séminaire. Malheureusement, un de ces textes qu'on trouvait sur le Net a été retiré à sa mort. On nous promet depuis quelques années la publication d'une partie de ce séminaire ; cela devrait être fait cet automne. Espérons qu'il sera bien ce que Testart avait écrit.

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    1. Hello Momo

      Il y a manifestement incompréhension. Mon billet ne fait que signaler un immense chantier, en soulignant justement les principaux problèmes que posent les réponses traditionnelles, et en suggérant quelques pistes de recherche. Je ne dis pas que le mode de production esclavagiste est un concept valable (et jusqu'à quel point), je signale simplement qu'il fait partie des références marxistes classiques. De même pour le féodal, je signale que selon certains, il convient de le définir largement, et donc que le concept recouvre alors des sociétés géographiquement et temporellement très différentes (ce qui n'est pas en soi un problème, au demeurant).
      Quant au boulot accompli par Testart, autant je pense qu'il brassait beaucoup de choses passionnantes (sans forcément être convaincu par ses réponses), autant je crois qu'il n'a que très peu abordé la question des modes de production des sociétés de classes, pléonasme (?).

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  6. Salut !
    J'imagine que tu le connais mais sur la complexité d'une définition opérante du MDP asiatique, il y a aussi ce texte de Maurice Godelier de 1991 : https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-1991-2-page-181.htm

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    1. Eh bien non, je ne connaissais pas ce texte qui est une excellente introduction à la question, même si sur quelques points, je suis un peu surpris par ce qu'écrit l'auteur – par exemple, le possible classement de l'Afrique noire précoloniale en « mode de production asiatique ». Mais surtout, sur le fond, je crois que la critique qu'il adresse au concept voit le problème sous une angle trop étroit. Encore une fois, le mode de production asiatique n'est pas le seul à souffrir d'un problème de définition et, selon la réponse choisie, à sembler ou trop large, ou trop étroit. Je crois qu'on pourrait dire à peu près, ou exactement la même chose des modes de production féodal et esclavagiste. Si le mode de production asiatique est un concept valide (je n'ai aucune réponse assurée sur ce point), il faudrait forcément en décliner des sous-variantes et sans doute, dans le même temps, le considérer lui-même comme une variante d'un type plus large. Bref, il faudrait parvenir à une classification qui ne soit pas une simple liste, mais qui, dans le meilleur des cas, serait une arborescence.

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    2. A mon avis il n'est pas absurde de classer certaines sociétés d'Afrique noire parmi les modes asiatiques de production. Godelier est assez clair sur ce qu'il faut entendre par là : un Etat puissant, pas de classe de grands propriétaires fonciers, pas de véritable propriété du sol.

      Des sociétés de ce genre il y en a aussi bien en Afrique noire qu'en Asie. Et l'inverse est également vrai, il y a en Asie des sociétés plus typique de l'Afrique noire. Je ne connais pas bien l'histoire de la Chine, mais en ce qui concerne l'Asie du Sud Est, par exemple, on voit se côtoyer des sociétés typiques du mode de production asiatique (Ancien Royaume de Siam, Cambodge) où l'Etat est le seul maître de la terre et dans lesquels, selon la formule de Lingat (de mémoire) "l'expropriation est un moyen courant de gouvernement" (on peut toujours discuter pour savoir s'il s'agit de véritable propriété ou d'une simple souveraineté) et où il n'existe aucune classe sociale comparable à une aristocratie foncière, et d'autres comme le Vietnam où il existe une telle classe sociale ainsi qu'une véritable propriété foncière vis-à-vis de laquelle l'Etat n'intervient pas.

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    3. Cette dernière intervention me permet une nouvelle fois de mesurer l'étendue de mon ignorance. Merci Tangui. ;-)

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    4. Ba ça reste à vérifier, ce sont des souvenirs lointains ;-)

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  7. Je pense qu'un ouvrage qui pourrait particulièrement vous intéresser est "La préhistoire du capitalisme" de Alain Bihr. Dans cet ouvrage, Alain Bihr reprend les catégories des modes de production de Marx (asiatique, germanique, méditerranéen antique) et montre comment la société féodale avec toutes ses particularités (morcellement politique, servage, autonomie des villes) naît d'une synthèse du mode productif esclavagiste et des communautés germaniques. Il montre également comment le mode de production féodal est le seul qui peut donner naissance au capitalisme, que ce soit en Europe ou au Japon, les deux seuls endroits où le capitalisme s'est développé sans influence extérieure. Il s'appuie pour montrer cela grandement sur l'analyse de Isaac Joshua qui est également très intéressante.

    Une autre partie montre par ailleurs le développement de ce qu'il appelle le devenir monde du capitalisme, théorie qui affine l'analyse déjà effectuée par Wallerstein sur l'économie-monde, en montrant comment l'économie capitaliste se développe par son extraversion européenne. Cet élément peut répondre partiellement à votre interrogation sur la société esclavagiste américaine, qui reprend effectivement le mode de production romain antique latifundaire, mais qui se subordonne à un système capitaliste mondialisé, ce qui permet le développement du capitalisme.

    Cet ouvrage très éclairant se trouve en accès libre ici : http://classiques.uqac.ca/contemporains/bihr_alain/prehistoire_du_capital_t1/prehistoire_du_capital_t1.html
    Et un résumé ici : http://www.lelitteraire.com/?p=3399

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