Bon, là dessus, on peut être tranquilles : une population où personne n'atteint 30 ans, ça n'existe pas et ça n'a jamais existé, sinon on ne serait plus là pour en causer. Et quant à "manger la viande et les légumes crus, comme au temps de la préhistoire" - comme il est dit sur le blog vers lequel pointe le lien - on peut se rassurer aussi : ça fait quelques centaines de millénaires que les hominidés savent faire cuire un steak... Il faut croire que les clichés misérabilistes sur la préhistoire ont la vie dure !
Il n'y a pas que les clichés misérabilistes sur la préhistoire qui ont la vie dure — même s'ils sont bien réels. Les clichés anti-science et anti-modernité, par les temps qui courent, se portent au moins aussi bien... et c'est, je crois, le mérite du dessin de mettre le doigt dessus. Après, je te l'accorde, le dessin force le trait et le blog (que je n'ai parcouru que rapidement) écrit la bêtise que tu relèves. L'auteur aurait été davantage inspiré d'écrire : "Et on a une espérance de vie de 30 ans" (je ne crois pas me tromper de beaucoup, si ?)
Les clichés anti-science et anti-modernité sont-ils uniquement des clichés ? On manque encore de recul, mais je serais curieux de voir la tête qu'aura l'espérance de vie des Européens dans un siècle si on continue d'accumuler au même rythme autant de polluants dans les environnements et dans les organismes. Quand il deviendra normal pour tout le monde d'avoir son premier cancer à 20 ans...Mais bref.
Oui, une espérance de vie autour de 30 ans a été calculée pour des groupes de chasseurs-collecteurs actuels (Hadza, Ache, Hiwi, !Kung et Agta : voir par exemple ici les données citées ici http://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1215627109). Ces chiffres sont en fait classiques pour des populations préjenneriennes, qu'elles soient chasseurs-collecteurs ou non. Ils signifient essentiellement que, dans une population ignorant la vaccination (et a fortiori la pharmacopée moderne), la mortalité infantile est énorme - de mémoire, la moitié des gamins meurent avant 4 ans. Ceux qui survivent, en revanche, peuvent tout à fait vivre vieux ! C'est pour ça que dire "espérance de vie à 30 ans" est très trompeur et conduit à des erreurs, comme ce dessin le montre bien. En fait dans une population de ce type très peu de gens meurent à 30 ans: en caricaturant énormément, on peut dire que la moitié de la population meurt entre 0 et 3, et l'autre moitié à plus de 60, ce qui fait bien une moyenne autour de 30...
Tout ça pour dire que la vaccination c'est très bien mais que l'espérance de vie est un indicateur qui prête à confusion.
Bonjour, c'est moi l'idiot du village ! Et je reconnais volontiers mon ignorance sur la cuisson de la viande au temps de l'homme préhistorique. J'avais simplement appris que l'homme en découvrant le feu et en faisant cuire la viande, celle-ci lui fournit plus d'énergie que la crue, et qu'en mastiquant alors plus facilement sa mâchoire put se réduire au profit de sa boite crânienne. Dorénavant, je mangerai mon steak à point...
« Les clichés anti-science et anti-modernité sont-ils uniquement des clichés ? On manque encore de recul, mais je serais curieux de voir la tête qu'aura l'espérance de vie des Européens dans un siècle si on continue d'accumuler au même rythme autant de polluants dans les environnements et dans les organismes. Quand il deviendra normal pour tout le monde d'avoir son premier cancer à 20 ans...Mais bref. »
Cette dernière réflexion n'est-elle pas un autre cliché répandu par les médias ? Santé et environnement : fausses peurs et vrais risques http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2213
En terme de bêtise humaine, ce n'est pas moi qui ai commencé cher monsieur ! Le Paleofitness http://youtu.be/l2z2LAdO0qE
Yves Coppens, réflexions sur le réchauffement climatique et l'activité humaine... http://www.franceinfo.fr/player/embed-share?content=1300107
Je ne voulais pas être insultant ! Mais on a quand même le droit de ronchonner un peu quand on voit passer un peu toujours les mêmes erreurs... Cela dit, dans ce domaine vous êtes en bonne compagnie, voir par exemple : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Reponse_M-_Soutif.pdf (page 2, retour de l'os cru avec option "caverne glacée" en prime). Comme quoi on peut posséder suffisamment de diplômes pour en retapisser sa chambre et quand même écrire des bêtises.
Quand on parle de préhistoire auprès du public, on a régulièrement droit aux deux réactions : (1) ils vivaient comme des sauvages, heureusement depuis on a inventé la Civilisation ; (2) ils menaient une vie simple et saine, depuis la Civilisation nous a corrompus. Je simplifie bien sûr, mais bon, les deux images - mythiques et symétriques - reflètent des idées qui traînent dans les têtes aujourd'hui...
Ben Jean-Marc, au risque de me retrouver en bonne-mauvaise compagnie, le Soutif en question parle du paléolithique en général, pas spécialement supérieur. Sauf erreur, ils se sont bel et bien bouffés des os crus pendant un bon million d'années, non ? Et sinon, j'ai vite fait parcouru le texte, j'ai quand même bien peur d'être beaucoup plus d'accord avec Soutif qu'avec les rédacteurs...
Oui oui : sauf erreur (et erreur il y a certainement, parce que je ne suis pas spécialiste de ces périodes et que les dates changent régulièrement), les premiers représentants du genre Homo et les premiers outils taillés apparaissent à -2.5 MA (millions d'années), et la production du feu est indiscutable "seulement" à partir de -0.5/-0.4 MA (c'est discuté pour la période -0.8/-0.6). Donc, pendant 1 à 2 MA, pas de feu de camp et un régime partiellement carnivore mais sans viande cuite. L'idée n'est donc pas fausse mais en fait, ce qui me gêne dans l'image des "mangeurs de nourriture crue", c'est que : - elle colle à la peau du Paléolithique alors qu'elle ne correspond qu'à une partie de la période, et pas la plus documentée ; - elle est souvent employée pour donner une vision misérabiliste de la vie au Paléo (inadaptation à l'environnement, existence en mode "survie") alors que l'absence de feu domestique n'a pas empêché les hominidés de se perpétuer et de se développer vaille que vaille pendant un paquet de temps ; - elle est souvent employée avec des anachronismes, en associant par exemple un cliché du Paléo ancien (absence de feu) et un autre du Paléo supérieur (adaptation au milieu périglaciaire : les fameuses "cavernes glacées") ; - elle est parfois employée pour illustrer des argumentaires caricaturaux du type "le nucléaire ou la bougie" (exemple : si vous êtes contre les nanotechnologies, alors vous êtes pour le retour au Paléolithique ancien) ; - je trouve que, consciemment ou non, elle fait écho à des préjugés culturels : la nourriture crue comme marque de la sauvagerie (alors même que dans notre propre société une part non négligeable de la nourriture, même carnée, est consommée crue...).
J'ai trouvé un article (« "The Old People Give You Life": Aging Among !Kung Hunter-Gatherers », de M.Biesele et N. Howell) qui donne quelques chiffres sur la démocratie des Bushmen. On est assez loin de l'idée selon laquelle une moitié de la population mourrait avant 30 ans, l'autre après 60.
« Sur cent naissances, il y aura seulement environ 54 survivants à 15 ans, 45 à 30 ans, 33 à 45 ans et environ 21 survivront jusqu'à 60 ans. » (p. 81)
Donc, on a bien en gros la moitié de la population qui n'atteint pas trente ans, mais entre trente et soixante, il y a encore les trois cinquièmes des survivants qui meurent. Résultat, ce n'est pas un sur deux qui atteint soixante, mais un sur cinq. Cela ne fait pas de ces gens âgés des cas exceptionnels, mais tout de même, ça reste une sélection assez sévère...
Autre « statistique » : fournie par M. Shostak, dans son livre Nisa, une vie de femme toujours sur les Bushmen : la moitié des gens meurent avnt 15 ans (dont 20% pour la seule première année). Espérance de vie : 30 ans à la naissance, 55 ans à quinze ans. Et seulement 10% des individus atteignent 60 ans.
Les Bushmen du 20e siècle, c'est bien ces gens qui vivent dans le sympathique désert du Kalahari et qui se prennent dans la figure depuis quelques siècles les bienfaits de la colonisation ? C'est sûr que comme exemple d'espérance de vie chez des chasseurs-collecteurs, on peut difficilement faire pire... C'était quoi l'espérance de vie dans un groupe de chasseurs mésolithiques vivant dans la forêt tempérée européenne il y a 10 000 ans ?
Les Bushmen, comme la plupart des chasseurs-cueilleurs modernes, ne vivaient pas dans l'environnement le plus hospitalier (je ne crois pas qu'ils aient particulièrement souffert, même indirectement de la colonisation, mais peut-être que je manque simplement d'infos sur le sujet). Et je ne les ai pas cités pour dire qu'ils étaient forcément représentatifs des mésolithiques européens ; je voulais juste répondre à ce que tu disais, sur le fait que dans ce type de population, on mourrait beaucoup en bas âge, mais qu'ensuite, on était à peu près assuré de vivre vieux. A présent, le mieux serait de consulter les études archéologiques, s'il y en a, sur l'âge des décès au paléolithique / mésolithique. Mais j'imagine que les éléments dont on dispose sont trop lacunaires pour conclure quoi que ce soit d'assuré...
Si un jour, on attrape son premier cancer à 20 ans, ce ne sera pas la faute de la science, ni même de la modernité - à moins qu'on entende par là la modernité capitaliste. Mais justement, attribuer à la modernité, ou pire, à la science, les tares qui sont le fruit de la seule organisation sociale, c'est devenu le pont-aux-ânes de notre époque - avec pour conséquence le fait qu'on remplace le combat contre le capitalisme par le combat contre la technique ou la science, comme si c'était la même chose. Voilà pourquoi, même si c'est une caricature, ce genre de dessins est salutaire.
Après, en ce qui concerne l'espérance de vie, on est bien d'accord, à quelques nuances près peut-être. Il n'y a pas que la mortalité infantile qui grevait l'espérance de vie des sociétés avant le XXe siècle. Il y avait aussi la mortalité en couches, par exemple. Et puis, pas (ou très peu) pour les chasseurs-cueilleurs nomades, mais à partir du néolithique, les maladies infectieuses, qui pouvaient faire des ravages. Soixante ans, chez les chasseurs-cueilleurs, ce n'était certes pas exceptionnel, mais c'était quand même un bel âge. Chez nous, c'est devenu banal (ce qui ne l'est pas, c'est de ne pas les atteindre). Et si, dans nos sociétés, on meurt proportionnellement beaucoup du cancer, c'est parce qu'on boit et qu'on fume, mais aussi, et avant tout, parce que c'est une maladie de l'âge et qu'on n'a plus la chance peu enviable de mourir d'autre chose plus jeune.
Je suis d'accord que science, technique et capitalisme sont trois choses différentes, mais on ne peut pas dire non plus que ces trois choses fonctionnent indépendamment. Le fonctionnement du capitalisme suppose une certaine science, qui se pose certaines questions et qui soit organisée d'une certaine manière, et une certaine technique, qui poursuive certains buts et qui soit organisée d'une certaine manière aussi. Et on peut difficilement imaginer que la même science et la même technique soient demain mises au service d'un autre type de société sans qu'on les change d'un iota. "C'est pas la faute de la science" est aussi l'excuse facile du scientifique qui travaille sans se soucier de ce que seront les applications de ses recherches (et sans se demander dans quelle mesure les questions même qu'il se pose sont déjà consciemment ou non déterminées par ces applications). Quant au cancer qui serait uniquement une maladie de l'âge et/ou due à des comportements "à risque", c'est loin d'être aussi simple - mais bon, c'est un sujet en soi...
Comme quoi, il y a parfois plus d'idées (et de sources de controverses) dans un petit dessin que dans un grand article :-)
Pour le cancer, je me suis sans doute mal exprimé. Bien sûr qu'on peut chopper des cancers à cause d'un environnement pollué. Mais ce que je voulais souligner, c'est d'une part qu'actuellement, l'énorme majorité des cancers ont d'autres causes (et que ceux qui s'appuient sur le nombre de cancers pour dire qu'on est en moins bonne santé qu'avant font une faute de logique) ; d'autre part, et surtout, que même si l'environnement devenait pollué au point qu'on en meure à 20 ans, ce ne serait pas la faute de la science ou de la technique, mais de l'organisation sociale qui encourage des entreprises à polluer alors que la science a établi les dangers de cette pollution, et que les moyens techniques de l'empêcher existent, ou pourraient être développés.
Sur les rapports entre science, technique et capitalisme, c'est une affaire de nuances. Je peux être d'accord avec certaines de tes formulations, moins avec d'autres. Mais encore une fois, le problème est de savoir quelle est la cause fondamentale de l'affaire, et donc par quel bout il faut changer les choses. Or, nous vivons une (sale) époque où, convaincus qu'on ne peut pas changer l'organisation sociale en l'affrontant, toute une partie des gens cherchent une voie de contournement, en croyant qu'en combattant des techniques, voire la science elle-même, ils combattent le système social. C'est une illusion et une impasse, à peu près du même ordre que revendiquer le désarmement (des États actuels) pour mettre fin aux guerres.
Et cela, sans compter que l'opposition, franche ou rampante, à la science, fait beaucoup plus de dégâts dans les cerveaux que l'opposition aux armes.
Je ne poursuis pas la discussion sur le cancer, parce qu'elle serait sans doute longue et improductive, mais je vous envie vos certitudes et j'espère sincèrement que vous n'aurez pas à les réviser.
Sur la critique de la science et de la technique, je ne suis pas entièrement d'accord. Beaucoup de gens qui critiquent aujourd'hui la technoscience veulent vraiment changer l'organisation sociale, et utilisent cette critique de la technoscience comme un "point d'entrée" à une critique plus générale de l'ordre établi. Et par certains aspects c'est pertinent. Je pense par exemple qu'un élément essentiel d'une société réellement démocratique serait l'idée d'autolimitation : il y a des choses qu'il ne faut même pas essayer de faire, parce qu'on s'accorde à penser qu'elles seraient très néfastes (par exemple concevoir des armes de plus en plus puissantes). Aujourd'hui, l'idée qui prévaut dans les labos, c'est l'inverse : il n'y a aucune raison de ne pas faire quelque chose qu'on peut faire (quoi que ce soit, du moment qu'on trouve assez de financements). On est dans le fantasme de la toute-puissance. Que des gens - en particulier des scientifiques - se rendent compte que ce fonctionnement-là est incompatible avec une démocratie réelle (et, au contraire, profondément cohérent avec l'organisation sociale actuelle) et oeuvrent pour changer les choses dans le champ scientifique, je ne vois pas en quoi c'est une illusion et une impasse.
Par ailleurs, je ne vois pas bien ce qui signifierait "affronter (directement) l'organisation sociale" dans la situation actuelle. Je me trompe sans doute, mais cette critique-là me fait un peu trop penser à ce que disaient certains militants devant les luttes féministes ou les luttes pour les droits civiques : ces oppressions spécifiques (sexisme, racisme) sont liées au capitalisme et disparaîtront avec lui, donc c'est le capitalisme qu'il faut affronter, pas les oppressions spécifiques. Moi j'ai tendance à penser que toute lutte d'émancipation (quand c'en est vraiment une) est bonne à prendre, mais on ne sera peut-être pas d'accord là-dessus...
Les techniques créent du social et le modifient... il n'y a pas de séparation entre social, technique et science. Et vouloir modifier une certaine façon de faire de la science ou de la technique, remettre en question certaines "avancées scientifiques" n'est pas une mise à mort de la science ou de la technique ni une plongée dans l'obscurantisme. Si l'on veut sortir de cette (sale) époque il faut en affronter toute sa complexité... c'est pas gagner c'est sûr.
Je ne connais pas cinquante façons de « faire de la science ». Que voulez-vous modifier, et pour le remplacer par quoi ? Et que désignent exactement les guillemets qui encadrent certaines avancées scientifiques ?
mercredi 16 octobre 2024
« Aux marches glissantes du palais : la part d’ombre des économies protohistoriques », intervention au colloque Économies Protohistoriques. Supports, acteurs et modèles des échanges du Néolithique à l’âge du Fer, Musée d'Archéologie Nationale (Saint-Germain-En-Laye)
mercredi 13 novembre 2024
Conférence sur la guerre et les autres confrontations collectives pour le GER (groupe d'études interdisciplinaires sur la guerre), Université Bordeaux-Montaigne
vendredi 15 novembre 2024 Une conférence sur le propulseur en Australie aborigène au Musée de la préhistoire d'Île-de-France (Nemours, 77)
vendredi 22 novembre 2024
À propos de « Aux origines du genre », intervention avec Anne Augereau à la bibliothèque Vaclav Havel (Paris 18e)
mardi 26 novembre 2024
« La préhistoire du genre : questions scientifiques, questions politiques », intervention avec Anne Augereau lors du colloque Le genre et la mort. Approche croisée : archéologie, histoire et anthropologie sociale, Université de Strasbourg
jeudi 12 décembre 2024
« ‘le plus redoutable missile qui ait été lancé à la tête de la bourgeoisie’ : retour sur l'analyse économique marxiste et sa portée politique », intervention au séminaire d'Études marxistes (Paris 5e)
vendredi 22 février 2025
Intervention à la journée d'études de l'Association pour la Recherche Archéologique sur l'Âge du Bronze (APRAB), Musée d'Archéologie Nationale (Saint-Germain-en-Laye)
Bon, là dessus, on peut être tranquilles : une population où personne n'atteint 30 ans, ça n'existe pas et ça n'a jamais existé, sinon on ne serait plus là pour en causer. Et quant à "manger la viande et les légumes crus, comme au temps de la préhistoire" - comme il est dit sur le blog vers lequel pointe le lien - on peut se rassurer aussi : ça fait quelques centaines de millénaires que les hominidés savent faire cuire un steak... Il faut croire que les clichés misérabilistes sur la préhistoire ont la vie dure !
RépondreSupprimerIl n'y a pas que les clichés misérabilistes sur la préhistoire qui ont la vie dure — même s'ils sont bien réels. Les clichés anti-science et anti-modernité, par les temps qui courent, se portent au moins aussi bien... et c'est, je crois, le mérite du dessin de mettre le doigt dessus.
SupprimerAprès, je te l'accorde, le dessin force le trait et le blog (que je n'ai parcouru que rapidement) écrit la bêtise que tu relèves. L'auteur aurait été davantage inspiré d'écrire : "Et on a une espérance de vie de 30 ans" (je ne crois pas me tromper de beaucoup, si ?)
Les clichés anti-science et anti-modernité sont-ils uniquement des clichés ? On manque encore de recul, mais je serais curieux de voir la tête qu'aura l'espérance de vie des Européens dans un siècle si on continue d'accumuler au même rythme autant de polluants dans les environnements et dans les organismes. Quand il deviendra normal pour tout le monde d'avoir son premier cancer à 20 ans...Mais bref.
RépondreSupprimerOui, une espérance de vie autour de 30 ans a été calculée pour des groupes de chasseurs-collecteurs actuels (Hadza, Ache, Hiwi, !Kung et Agta : voir par exemple ici les données citées ici http://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1215627109). Ces chiffres sont en fait classiques pour des populations préjenneriennes, qu'elles soient chasseurs-collecteurs ou non. Ils signifient essentiellement que, dans une population ignorant la vaccination (et a fortiori la pharmacopée moderne), la mortalité infantile est énorme - de mémoire, la moitié des gamins meurent avant 4 ans. Ceux qui survivent, en revanche, peuvent tout à fait vivre vieux ! C'est pour ça que dire "espérance de vie à 30 ans" est très trompeur et conduit à des erreurs, comme ce dessin le montre bien. En fait dans une population de ce type très peu de gens meurent à 30 ans: en caricaturant énormément, on peut dire que la moitié de la population meurt entre 0 et 3, et l'autre moitié à plus de 60, ce qui fait bien une moyenne autour de 30...
Tout ça pour dire que la vaccination c'est très bien mais que l'espérance de vie est un indicateur qui prête à confusion.
Bonjour, c'est moi l'idiot du village ! Et je reconnais volontiers mon ignorance sur la cuisson de la viande au temps de l'homme préhistorique. J'avais simplement appris que l'homme en découvrant le feu et en faisant cuire la viande, celle-ci lui fournit plus d'énergie que la crue, et qu'en mastiquant alors plus facilement sa mâchoire put se réduire au profit de sa boite crânienne.
SupprimerDorénavant, je mangerai mon steak à point...
« Les clichés anti-science et anti-modernité sont-ils uniquement des clichés ? On manque encore de recul, mais je serais curieux de voir la tête qu'aura l'espérance de vie des Européens dans un siècle si on continue d'accumuler au même rythme autant de polluants dans les environnements et dans les organismes. Quand il deviendra normal pour tout le monde d'avoir son premier cancer à 20 ans...Mais bref. »
Cette dernière réflexion n'est-elle pas un autre cliché répandu par les médias ?
Santé et environnement : fausses peurs et vrais risques
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2213
En terme de bêtise humaine, ce n'est pas moi qui ai commencé cher monsieur !
Le Paleofitness
http://youtu.be/l2z2LAdO0qE
Yves Coppens, réflexions sur le réchauffement climatique et l'activité humaine...
http://www.franceinfo.fr/player/embed-share?content=1300107
Je ne voulais pas être insultant ! Mais on a quand même le droit de ronchonner un peu quand on voit passer un peu toujours les mêmes erreurs... Cela dit, dans ce domaine vous êtes en bonne compagnie, voir par exemple : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Reponse_M-_Soutif.pdf (page 2, retour de l'os cru avec option "caverne glacée" en prime). Comme quoi on peut posséder suffisamment de diplômes pour en retapisser sa chambre et quand même écrire des bêtises.
SupprimerQuand on parle de préhistoire auprès du public, on a régulièrement droit aux deux réactions : (1) ils vivaient comme des sauvages, heureusement depuis on a inventé la Civilisation ; (2) ils menaient une vie simple et saine, depuis la Civilisation nous a corrompus. Je simplifie bien sûr, mais bon, les deux images - mythiques et symétriques - reflètent des idées qui traînent dans les têtes aujourd'hui...
Ben Jean-Marc, au risque de me retrouver en bonne-mauvaise compagnie, le Soutif en question parle du paléolithique en général, pas spécialement supérieur. Sauf erreur, ils se sont bel et bien bouffés des os crus pendant un bon million d'années, non ? Et sinon, j'ai vite fait parcouru le texte, j'ai quand même bien peur d'être beaucoup plus d'accord avec Soutif qu'avec les rédacteurs...
SupprimerOui oui : sauf erreur (et erreur il y a certainement, parce que je ne suis pas spécialiste de ces périodes et que les dates changent régulièrement), les premiers représentants du genre Homo et les premiers outils taillés apparaissent à -2.5 MA (millions d'années), et la production du feu est indiscutable "seulement" à partir de -0.5/-0.4 MA (c'est discuté pour la période -0.8/-0.6). Donc, pendant 1 à 2 MA, pas de feu de camp et un régime partiellement carnivore mais sans viande cuite. L'idée n'est donc pas fausse mais en fait, ce qui me gêne dans l'image des "mangeurs de nourriture crue", c'est que :
Supprimer- elle colle à la peau du Paléolithique alors qu'elle ne correspond qu'à une partie de la période, et pas la plus documentée ;
- elle est souvent employée pour donner une vision misérabiliste de la vie au Paléo (inadaptation à l'environnement, existence en mode "survie") alors que l'absence de feu domestique n'a pas empêché les hominidés de se perpétuer et de se développer vaille que vaille pendant un paquet de temps ;
- elle est souvent employée avec des anachronismes, en associant par exemple un cliché du Paléo ancien (absence de feu) et un autre du Paléo supérieur (adaptation au milieu périglaciaire : les fameuses "cavernes glacées") ;
- elle est parfois employée pour illustrer des argumentaires caricaturaux du type "le nucléaire ou la bougie" (exemple : si vous êtes contre les nanotechnologies, alors vous êtes pour le retour au Paléolithique ancien) ;
- je trouve que, consciemment ou non, elle fait écho à des préjugés culturels : la nourriture crue comme marque de la sauvagerie (alors même que dans notre propre société une part non négligeable de la nourriture, même carnée, est consommée crue...).
J'ai trouvé un article (« "The Old People Give You Life": Aging Among !Kung Hunter-Gatherers », de M.Biesele et N. Howell) qui donne quelques chiffres sur la démocratie des Bushmen. On est assez loin de l'idée selon laquelle une moitié de la population mourrait avant 30 ans, l'autre après 60.
Supprimer« Sur cent naissances, il y aura seulement environ 54 survivants à 15 ans, 45 à 30 ans, 33 à 45 ans et environ 21 survivront jusqu'à 60 ans. » (p. 81)
Donc, on a bien en gros la moitié de la population qui n'atteint pas trente ans, mais entre trente et soixante, il y a encore les trois cinquièmes des survivants qui meurent. Résultat, ce n'est pas un sur deux qui atteint soixante, mais un sur cinq. Cela ne fait pas de ces gens âgés des cas exceptionnels, mais tout de même, ça reste une sélection assez sévère...
Autre « statistique » : fournie par M. Shostak, dans son livre Nisa, une vie de femme toujours sur les Bushmen : la moitié des gens meurent avnt 15 ans (dont 20% pour la seule première année). Espérance de vie : 30 ans à la naissance, 55 ans à quinze ans. Et seulement 10% des individus atteignent 60 ans.
SupprimerLes Bushmen du 20e siècle, c'est bien ces gens qui vivent dans le sympathique désert du Kalahari et qui se prennent dans la figure depuis quelques siècles les bienfaits de la colonisation ? C'est sûr que comme exemple d'espérance de vie chez des chasseurs-collecteurs, on peut difficilement faire pire... C'était quoi l'espérance de vie dans un groupe de chasseurs mésolithiques vivant dans la forêt tempérée européenne il y a 10 000 ans ?
SupprimerLes Bushmen, comme la plupart des chasseurs-cueilleurs modernes, ne vivaient pas dans l'environnement le plus hospitalier (je ne crois pas qu'ils aient particulièrement souffert, même indirectement de la colonisation, mais peut-être que je manque simplement d'infos sur le sujet). Et je ne les ai pas cités pour dire qu'ils étaient forcément représentatifs des mésolithiques européens ; je voulais juste répondre à ce que tu disais, sur le fait que dans ce type de population, on mourrait beaucoup en bas âge, mais qu'ensuite, on était à peu près assuré de vivre vieux.
SupprimerA présent, le mieux serait de consulter les études archéologiques, s'il y en a, sur l'âge des décès au paléolithique / mésolithique. Mais j'imagine que les éléments dont on dispose sont trop lacunaires pour conclure quoi que ce soit d'assuré...
Si un jour, on attrape son premier cancer à 20 ans, ce ne sera pas la faute de la science, ni même de la modernité - à moins qu'on entende par là la modernité capitaliste. Mais justement, attribuer à la modernité, ou pire, à la science, les tares qui sont le fruit de la seule organisation sociale, c'est devenu le pont-aux-ânes de notre époque - avec pour conséquence le fait qu'on remplace le combat contre le capitalisme par le combat contre la technique ou la science, comme si c'était la même chose. Voilà pourquoi, même si c'est une caricature, ce genre de dessins est salutaire.
RépondreSupprimerAprès, en ce qui concerne l'espérance de vie, on est bien d'accord, à quelques nuances près peut-être. Il n'y a pas que la mortalité infantile qui grevait l'espérance de vie des sociétés avant le XXe siècle. Il y avait aussi la mortalité en couches, par exemple. Et puis, pas (ou très peu) pour les chasseurs-cueilleurs nomades, mais à partir du néolithique, les maladies infectieuses, qui pouvaient faire des ravages. Soixante ans, chez les chasseurs-cueilleurs, ce n'était certes pas exceptionnel, mais c'était quand même un bel âge. Chez nous, c'est devenu banal (ce qui ne l'est pas, c'est de ne pas les atteindre). Et si, dans nos sociétés, on meurt proportionnellement beaucoup du cancer, c'est parce qu'on boit et qu'on fume, mais aussi, et avant tout, parce que c'est une maladie de l'âge et qu'on n'a plus la chance peu enviable de mourir d'autre chose plus jeune.
Je suis d'accord que science, technique et capitalisme sont trois choses différentes, mais on ne peut pas dire non plus que ces trois choses fonctionnent indépendamment. Le fonctionnement du capitalisme suppose une certaine science, qui se pose certaines questions et qui soit organisée d'une certaine manière, et une certaine technique, qui poursuive certains buts et qui soit organisée d'une certaine manière aussi. Et on peut difficilement imaginer que la même science et la même technique soient demain mises au service d'un autre type de société sans qu'on les change d'un iota. "C'est pas la faute de la science" est aussi l'excuse facile du scientifique qui travaille sans se soucier de ce que seront les applications de ses recherches (et sans se demander dans quelle mesure les questions même qu'il se pose sont déjà consciemment ou non déterminées par ces applications).
SupprimerQuant au cancer qui serait uniquement une maladie de l'âge et/ou due à des comportements "à risque", c'est loin d'être aussi simple - mais bon, c'est un sujet en soi...
Comme quoi, il y a parfois plus d'idées (et de sources de controverses) dans un petit dessin que dans un grand article :-)
SupprimerPour le cancer, je me suis sans doute mal exprimé. Bien sûr qu'on peut chopper des cancers à cause d'un environnement pollué. Mais ce que je voulais souligner, c'est d'une part qu'actuellement, l'énorme majorité des cancers ont d'autres causes (et que ceux qui s'appuient sur le nombre de cancers pour dire qu'on est en moins bonne santé qu'avant font une faute de logique) ; d'autre part, et surtout, que même si l'environnement devenait pollué au point qu'on en meure à 20 ans, ce ne serait pas la faute de la science ou de la technique, mais de l'organisation sociale qui encourage des entreprises à polluer alors que la science a établi les dangers de cette pollution, et que les moyens techniques de l'empêcher existent, ou pourraient être développés.
Sur les rapports entre science, technique et capitalisme, c'est une affaire de nuances. Je peux être d'accord avec certaines de tes formulations, moins avec d'autres. Mais encore une fois, le problème est de savoir quelle est la cause fondamentale de l'affaire, et donc par quel bout il faut changer les choses. Or, nous vivons une (sale) époque où, convaincus qu'on ne peut pas changer l'organisation sociale en l'affrontant, toute une partie des gens cherchent une voie de contournement, en croyant qu'en combattant des techniques, voire la science elle-même, ils combattent le système social. C'est une illusion et une impasse, à peu près du même ordre que revendiquer le désarmement (des États actuels) pour mettre fin aux guerres.
Et cela, sans compter que l'opposition, franche ou rampante, à la science, fait beaucoup plus de dégâts dans les cerveaux que l'opposition aux armes.
Bonjour,
SupprimerEn effet, la cigarette et la consommation excessive d'alcool sont les premiers facteurs de réduction de l'espérance de vie chez les hommes...
Fumer, un vrai risque de santé publique
http://www.alambic-city.com/article-fumer-un-vrai-risque-de-sante-publique-122831016.html
Je ne poursuis pas la discussion sur le cancer, parce qu'elle serait sans doute longue et improductive, mais je vous envie vos certitudes et j'espère sincèrement que vous n'aurez pas à les réviser.
SupprimerSur la critique de la science et de la technique, je ne suis pas entièrement d'accord. Beaucoup de gens qui critiquent aujourd'hui la technoscience veulent vraiment changer l'organisation sociale, et utilisent cette critique de la technoscience comme un "point d'entrée" à une critique plus générale de l'ordre établi. Et par certains aspects c'est pertinent. Je pense par exemple qu'un élément essentiel d'une société réellement démocratique serait l'idée d'autolimitation : il y a des choses qu'il ne faut même pas essayer de faire, parce qu'on s'accorde à penser qu'elles seraient très néfastes (par exemple concevoir des armes de plus en plus puissantes). Aujourd'hui, l'idée qui prévaut dans les labos, c'est l'inverse : il n'y a aucune raison de ne pas faire quelque chose qu'on peut faire (quoi que ce soit, du moment qu'on trouve assez de financements). On est dans le fantasme de la toute-puissance. Que des gens - en particulier des scientifiques - se rendent compte que ce fonctionnement-là est incompatible avec une démocratie réelle (et, au contraire, profondément cohérent avec l'organisation sociale actuelle) et oeuvrent pour changer les choses dans le champ scientifique, je ne vois pas en quoi c'est une illusion et une impasse.
Par ailleurs, je ne vois pas bien ce qui signifierait "affronter (directement) l'organisation sociale" dans la situation actuelle. Je me trompe sans doute, mais cette critique-là me fait un peu trop penser à ce que disaient certains militants devant les luttes féministes ou les luttes pour les droits civiques : ces oppressions spécifiques (sexisme, racisme) sont liées au capitalisme et disparaîtront avec lui, donc c'est le capitalisme qu'il faut affronter, pas les oppressions spécifiques. Moi j'ai tendance à penser que toute lutte d'émancipation (quand c'en est vraiment une) est bonne à prendre, mais on ne sera peut-être pas d'accord là-dessus...
Les techniques créent du social et le modifient... il n'y a pas de séparation entre social, technique et science. Et vouloir modifier une certaine façon de faire de la science ou de la technique, remettre en question certaines "avancées scientifiques" n'est pas une mise à mort de la science ou de la technique ni une plongée dans l'obscurantisme. Si l'on veut sortir de cette (sale) époque il faut en affronter toute sa complexité... c'est pas gagner c'est sûr.
RépondreSupprimerJe ne connais pas cinquante façons de « faire de la science ». Que voulez-vous modifier, et pour le remplacer par quoi ? Et que désignent exactement les guillemets qui encadrent certaines avancées scientifiques ?
RépondreSupprimerCancer et environnement, une association évidente mais mal comprise :
RépondreSupprimerhttp://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2214