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Un compte-rendu de « Aux origines du genre » par Martine Fournier (Sciences Humaines)

Dans son numéro 355, daté de février 2023, le magazine Sciences Humaines publie ce compte-rendu rédigé par Martine Fournier :

Femmes chasseresses et autres lunes

À l'heure ou les inégalites de genre ont pris une place centrale dans le débat public, le rôle des femmes durant la préhistoire se retrouve questionné. Medias et autres chaînes vidéo ne se privent pas de les presenter comme des working women actives et émancipées. Mais qu'en sait-on exactement ? Sur quels faits la plupart de ces recits reposent-ils ? C'est à ces questions que s'attachent les contributions de ce livre qui tente de faire le point sur les travaux récents des préhistoriens et paléoanthropologues. aujourd'hui representés par les deux sexes.

La célèbre Dame du Cavillon par exemple, appelée longtemps l'Homme de Menton (découverte en ltalie a la fin du 19e siecle) tant sa sépulture richement décorée laissait supposer qu'il s'agissait d'un notable, n'était peut-être pas, selon les auteurs, une femme de statut privilégié, mais simplement un exemple de la maniere dont on enterrait les défunts au Paléolithique. L'examen des os des bras et les lésions observées sur les coudes ne signifieraient pas que les femmes etaient forcément des chasseresses, tant ces lésions pouvaient être la conséquence d'autres travaux tels que l'usage quotidien de meules.

Riche et argumenté, ce petit livre rappelle que nos certitudes sur la préhistoire sont très ténues et sujettes à des déductions fragiles. Pascal Picq le souligne en montrant que la diversité des pratiques genrées chez les grands singes ne permet pas de trancher sur la base d'une hérédité animale.

Les auteurs en viennent a dénoncer une tendance au sensationnalisme conforme aux aspirations féministes actuelles : « Notre quête de vérité sur la préhistoire n'est pas objective ; elle est sous-tendue par des agendas politiques et culturels », notent-ils, ajoutant que le danger serait de remplacer des stéréotypes anciens par d'autres radicalement inverses. Certes, mais ne sont-ils pas eux aussi sujets a ce genre de biais ? Le contrepied systématique qu'ils prennent peut paraître parfois un peu partisan.

Martine Fournier

Ce texte appelle quelques observations. Ainsi, Dominique Henry-Gambier ne rapproche pas les rites funéraires observés pour la Dame du Cavillon de ce qui se pratiquait dans le Paléolithique dans son ensemble (ce qui n'aurait guère de sens), mais uniquement de ce que l'on connaît des autres sépultures de cette époque et de cette culture. Au demeurant, ce n'est pas à proprement parler la sépulture qui était richement décorée (l'existence même d'une sépulture, à proprement parler, n'est même pas certaine), que la défunte elle-même, par une coiffe de coquillages. Quant aux déformations observées sur les squelettes, l'esprit de la rédactrice semble avoir quelque peu télescopé celles relevées sur les coudes droits – exclusivement masculins – et celles qui témoignent, au Néolithique, d'une activité intensive des membres supérieurs des sujets féminins - probablement le meulage.

Pour terminer, j'avoue une certaine perplexité face à une accusation finale lancée sans qu'aucun exemple ne vienne l'étayer.

1 commentaire:

  1. L'accusation finale....il y a toujours un biais ....de classe....dans les analyses sociales, non?

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