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Des dégâts chez les Mae Enga (1)

Si j'étais resté quelque peu perplexe après mes lectures à propos des Dani de Nouvelle-Guinée, l'exposé magistral de M. Megitt sur les Mae Enga m'a laissé une tout autre impression. Son livre, paru en 1974, constitue en effet un tableau méthodique et d'une clarté rarement prise en défaut. Au demeurant, il s'agit d'une des très rares ethnographies qui place la guerre au centre de ses préoccupations et qui étudie une société sous ce prisme. Un des aspects les plus appréciables est que l'auteur ne se contente ni de généralités, ni du récit de cas supposés significatifs : sur plusieurs questions, il a constitué d'authentiques bases de données et fournit des tableau chiffrés qui viennent à l'appui de ses affirmations. On ressort de cette fort enrichissante lecture avec le sentiment d'avoir acquis quelques certitudes, sans que leur aient été sacrifiées les nécessaires nuances et exceptions.

Étant donné la longueur de ce compte-rendu et le nombre de points intéressants qu'il faut relever dans le livre, cet article sera publié en plusieurs parties.

Tout au long des premiers chapitres, Meggitt ne cesse d'y revenir : à partir d'une base commune, la guerre Mae Enga se décline selon des modalités dont la violence tolérée s'accroît avec la distance sociale entre les unités en conflit : on retrouve là ce que j'ai appelé le « principe de modulation » de la violence, qui semble être une des constantes les plus remarquables dans les sociétés non étatiques. Cependant, le problème est ici complexifié, d'une part par la fluidité entre les différentes formes, d'autre part par l'écart entre la morale et la norme affichées et la « realpolitik » effectivement menée par les unités sociales.

Il faut ici ouvrir une brève parenthèse pour présenter la société Mae Enga en quelques mots. Ces cultivateurs et éleveurs de porcs forment à l'ère précoloniale une population relativement nombreuse (environ 30 000 personnes). Cette société non-étatique s'organise par l'imbrication de groupes fondés sur la parenté : au niveau le plus large, se trouvent des phratries, un groupe dont l'appartenance se compte en ligne masculine, et dont la fondation est censée remontée à un ancêtre descendu du ciel. Sauf erreur de ma part, Meggit ne précise pas le nombre de ces phratries, mais on peut inférer des autres informations fournies qu'elles sont de l'ordre d'une dizaine.

Les phratries rassemblent à leur tour un certain nombre de clans, eux aussi patrilinéaires, qui sont à la fois nommés et localisés, et qui défendent jalousement des territoires qui s'étendent sur 2,5 à 5 km2. Sur cette surface vivent en moyenne 350 individus (aux hommes adultes et à leurs enfants, membres du clan, s'ajoutent leurs épouses, venues de clans extérieurs). Chaque phratrie compte de 4 à 20 clans, avec une moyenne de 7 ou 8. La subdivision se poursuit avec les sous-clans (chaque clan en compte en général quatre, avec une fourchette de 2 à 8), puis des patrilignages (en moyenne 2, le nombre allant de 1 à 5) puis des familles dont un quart sont polygynes. Tout cela peut être résumé dans le tableau suivant :

 
UnitéNombre dans l'unité supérieureEffectif moyen
famille??
patrilignage2 (1 à 5)45
sous-clan4 (2 à 8)90
clan7,5 (4 à 20)350 (de 200 à 1000, soit de 60 à 300+ combattants)
phratrie11 ou 12 ?≈ 2 500
Mae Enga 30 000
 

Meggitt distingue trois niveaux de conflits, que je présente ici par ordre croissant de violence.

1. Entre sous-clans d'un même clan

Parce que les hommes d'un même clan sont considérés comme des « frères » (dans un sens large), leurs conflits doivent rester contenus dans des limites étroites. Lorsque de tels conflits éclatent, ils ne doivent pas occasionner de blessures graves et encore moins de morts. Les armes létales telles que les haches, les lances ou les flèches sont donc proscrites, et on se bat uniquement avec des armes par destination qu'on trouve à portée de main. La pratique s'accorde cependant souvent mal avec la théorie : il est facile de s'emparer de bâtons à fouir ou de poteaux composant les barrières et d'infliger des dégâts considérables, qui entraînent parfois le décès des victimes.

Un affrontement au sein d'un clan n'est pas considéré par les Mae eux-mêmes comme une authentique guerre, tant que chacun en respecte les limites générales – en particulier, ne pas utiliser d'armes létales et ne pas brûler les maisons de l'adversaire. Selon Meggitt, il arrive toutefois que les hostilités prennent collectivement un tour plus violent : un tel basculement se produit selon lui uniquement lorsque que les déséquilibres démographiques font qu'un sous-clan manque de terres tandis que d'autres en ont en excès. La solidarité de clan est ainsi susceptible de s'effriter sous l'effet des dissenssions internes, et les différentes fractions peuvent finir par se comporter entre elles comme elles l'auraient fait vis-à-vis de clans extérieurs. Une telle escalade, et un tel changement qualitatif de la nature du conflit, survient le plus souvent suite à une provocation qui, normalement, n'est censée intervenir que vis-à-vis d'un autre clan, telle que le vol et l'abattage d'un porc, le défrichage et l'occupation d'une parcelle de terre ou le viol d'une femme. Tout comme une guerre entre clans, un tel conflit fait de semaines d'escamourches, de raids et de contre-raids, peut déboucher soit sur la défaite d'un adversaire et son expulsion de sa terre, soit par une paix sur la base d'un nombre sensiblement égal de morts.

Même si l'affrontement dégénère, il est toutefois censé se conformer à diverses limites. Ainsi, les combattants ne sauraient achever les adversaires blessés, ou démembrer les cadavres de ceux qui ont été tués. De même, ils ne doivent pas s'en prendre à leurs femmes et à leurs enfants, en particulier en mettant le feu aux maisons qu'elles occupent. L'incendie des maisons des hommes, la destruction des jardins, des arbres ou des porcs sont sinon proscrits, du moins mis en œuvre avec parcimonie. Là encore, souligne Meggitt, la pratique se conforme difficilement à cet idéal, et dans le feu de l'action, ou suite à la perte d'un proche, il n'est pas rare que ces limites soient franchies.

2. Entre clans d'une même phratrie

Selon Meggitt, c'est dans cette situation qu'on constate la plus forte discordance entre la norme théorique et la réalité, c'est-à-dire entre les obligations censées découler de la « fraternité » des clans (dont celles de se prêter assistance en cas de guerre, lors des cérémonies de transferts de richesse, et globalement, d'entretenir des relations cordiales) et le caractère souvent contradictoire de leurs intérêts fonciers. Le territoire d'un clan jouxte en effet couramment celui de quatre ou cinq autres, dont au moins deux appartiendront à sa propre phratrie : il y a donc de fortes chances que des différends fonciers opposent des clans censément « fraternels ».

En cas de conflit armé, il est entendu que l'attaque est censée se dérouler de jour, et après en avoir averti la cible. Pour ce faire, on se regroupe près de la frontière, en chantant et en criant des insultes – l'adversaire fait de même, ce qui donne aux deux camps le temps de rassembler leurs forces.

Celles-ci sont néanmoins parfois déséquilibrées, et ce d'autant plus que les clans les plus puissants sont aussi ceux qui sont susceptibles de posséder le plus d'alliés. On retrouve en fait à ce niveau ce qu'on écrivait précédemment : si l'on cherche à tuer, on n'est censé viser que les combattants, ne pas achever les blessés ou démémbrer les morts. Toutes ces limitations se heurtent néanmoins à l'idée qu'après tout, et si l'on ose dire, il est de bonne guerre d'attaquer de nuit où à l'aube afin d'infliger le maximum de dégâts, en particulier en incendiant les maisons afin de faire périr leurs occupants humains et porcins. Une autre limitation concerne la maison des hommes adverse, qu'il reste moralement répréhensible d'endommager, de même que les arbres entourant leurs aires cérémonielles – ceux-ci sont censés appartenir aux ancêtres que partagent les assaillants.

En théorie au moins, les phases de combat armés intervenant au sein d'une phratrie sont censées être plus brèves. Après avoir pénétré le territoire adverse, y avoir procédé à quelques destructions et avoir tué ou blessé quelques hommes, les vainqueurs sont censés se satisfaire de cette victoire, se retirer sur leur propre territoire et ouvrir les négociations de paix (et de compensations). Ces discussions doivent vider la querelle et permettre de restaurer la bonne entente entre les clans concernés. Dans certains cas, les hostilités sont d'une telle violence que les vaincus sont chassés de leur terre. Une telle issue, s'agissant de combats entre clans d'une même phratrie, reste toutefois relativement rare.

La contradiction, et la tension, entre la structuration, à différent niveaux, en unités largement indépendantes et la nécessité pour ces unités de préserver de bonnes relations avec leurs unités « sœurs » est parfaitement exprimée dans ce passage :

Idéalement, les Mae considèrent donc la guerre au sein de la phratrie de la même façon qu'ils la considèrent au sein du clan, c'est-à-dire comme une activité qui devrait être soumise à certaines limitations qui expriment, même faiblement, les obligations morales des hommes envers leurs « frères » agnatiques. Cependant, ils reconnaissent également que chaque clan est soucieux, dans la mesure du possible, de maintenir son autonomie et de poursuivre ses propres objectifs, de sorte que les conflits graves entre clans fraternels sont encore plus susceptibles que les conflits intraclaniques de ne pas pouvoir être réglés à l'amiable. C'est particulièrement vrai lorsqu'ils portent sur les terres. (30-31)

3. Entre clans de phratries différentes

Pour ce qui différencie, au moins en principe, ces guerres de celles qui opposent des clans « frères » de la même phratrie, Meggitt dresse la liste suivante (p. 37) :

  1. l'utilisation de la surprise lors des attaques, avec l'objectif d'obtenir une victoire totale permettant la depossession territoriale du vaincu
  2. la maximisation délibérée des destructions de biens (lieux de culte, maisons, terrains cérémoniels, arbres, récoltes, porcs) afin de démoraliser l'ennemi
  3. l'absence de prise en compte des liens de parenté de nature à réfréner la violence, ou à promouvoir les démarches de pacification
  4. le refus occasionnel de reconnaître un statut de non-combattant
  5. la mutilation des cadavres ennemis
  6. possiblement, la durée plus longue des confrontations
 

Un cas particulier : les « grands combats »

Il arrive que l'affrontement oppose l'ensemble des clans d'une phratrie à l'ensemble des clans d'une autre, autrement dit, qu'il mette aux prises deux phratries en tant que telles. De tels affrontements sont pour l'essentiel des « démonstrations », « planifiées à l'avance ». De plus, « ces concours sont très similaires à des tournois, régis par des conventions qui minimisent le nombre de victimes eu égard au grand nombre de guerriers impliqués » (17).

Après avoir convaincu les autres clans de leur phratrie de s'adjoindre à eux, les clans qui sont à l'initiative du combat provoquent l'adversaire, que l'on invite à se retrouver en un lieu convenu. Les vieux, les femmes et les enfants se tiennent à l'écart ; ils observent le champ de bataille, mais ne participent pas, fut-ce pour secourir les blessés ou approvisionner les combattants en munitions. Les hostilités commencent par un échange d'insultes et de mimes provocateurs. Ensuite, les plus combatifs défient la partie adverse, jusqu'à ce qu'un volontaire se déclare et engage un duel. On commence à se battre à distance, puis on poursuit au corps-à-corps. L'issue est rarement fatale, les combattants ne cherchant pas à tuer. On s'arrête lorsqu'il y a un blessé ou que les munitions sont épuisés.

Les champions se congratulent, s'embrassent, et échanges des décorations qui peuvent inclure des plumes, des coquillages, et les mortelles haches de pierre qu'ils transportent mais qui ne doivent pas être utilisées dans de telles circonstances ; ils rejoignent ensuite leur propre camp.

Aux duels individuels succède un affrontement collectif qui, lui, se déroule normalement exclusivement aux armes de jet. En restant en mouvement et en esquivant, on tire à la flèche, tout en tentant de préserver une ligne relativement homogène. L'objectif est de parvenir à prendre l'adversaire par le flanc, mais cette manoeuvre est d'autant plus difficile à exécuter que les forces sont équilibrées et qu'aucun des camps ne possède de franche supériorité sur l'autre. Certains combattants particulièrement téméraires s'efforcent parfois de se faufiler à l'arrière de l'ennemi afin de le prendre à revers. Souvvent repérés par les spectateurs qui donnent l'alarme, ils peuvent payer de leur vie leur tentative qui est considérée comme illicite, en mutilant de surcroît leur cadavre. Un tel acte a néanmoins toutes les chances de provoquer une escalade et une réplique de la part des adversaires.

Quant un homme tombe, l'ennemi est censé ne pas empêcher ses camarades de le tirer hors du champ de bataille - bien qu'ils aient le droit d'en profiter pour viser tous ceux qui le font sans se protéger suffisamment. La plupart des blessés légers, une fois soignés, reprennent le combat.

Celui-ci dure généralement une journée entière : l'équilibre des forces et la tactique de combat empêchent un adversaire de prendre nettement le dessus. La pluie de l'après-midi et l'obscurité signent la fin du combat. Quand ils jugent que les choses ont assez duré, les leaders de chaque camp décrètent la cessation des hostilités – et refroidissent les ardeurs des jeunes qui veulent les prolonger –, non sans au besoin s'être livré à quelques duels, sur le modèle de ceux qui les avaient ouvertes.

Les Big Men font alors un discours, énumérant les morts de la journée.

Dans ces déclamations, destinées aussi bien aux adversaires qu'à leurs propres troupes, ils jetaient les bases des futurs échanges de richesses entre les deux camps. Chacun se dépêche alors de rentrer chez soi, satisfait d'avoir vengé son honneur et défendu le prestige de son clan.

Je reviendrai dans un second temps sur les cérémonies qui suivent, et qui sont centrées sur les transferts de biens qui permettront d'indemniser les victimes et de conclure la paix. En attendant, on ne peut qu'être frappé par la ressemblance entre ce type de combats et ce que j'ai appelé pour les Aborigènes les batailles régulées, et qui ne sont rien d'autre que des duels collectifs. Tout comme dans le cas australien, on constate l'absence de surprise, la modération de la violence, et jusqu'à l'intrication du combat collectif avec les duels individuels. Les deux différences principales sont peut-être d'une part, la propension de ces combats à déraper vers la létalité (la description que donne Meggitt laisse entendre une attitude ambigue des protagonistes), et l'absence de festivités collectives célébrant ensuite les bonnes relations retrouvées – à moins que les cérémonies d'indemnisations ne jouent le même rôle, sous une forme beaucoup moins festive.

Quoi qu'il en soit, on ne saurait souligner le contraste entre ces combats et ceux qui relèvent de la guerre authentique mieux que Meggitt lui-même :

Les grands combats entre phratries contrastent de façon frappante avec la guerre brutale pour la possession de la terre qui survient entre clans, et particulièrement entre clans de phratries différentes. Alors que cette dernière est une expression de la Realpolitik, où presque toute action est acceptable si elle permet de déposséder efficacement l'ennemi, le grand combat est davantage un événement social dans lequel les participants sont liés par des contraintes généralement reconnues. J'ai déjà indiqué certaines d'entre elles : les règles qui stipulent que les attaques ne concernent pas les non-combattants, que les combats doivent mettre aux prises des égaux et qu'ils doivent rester confinés à une aire délimitée. En outre, les guerriers ne doivent pas brûler les maisons ni endommager les jardins et les arbres de valeur situés à proximité du champ de bataille. Enfin, et c'est peut-être là l'aspect le plus frappant d'un grand combat, même si l'une des forces en présence est si malmenée qu'elle doit se retirer, les vainqueurs ne peuvent en retirer que la gloire et le sentiment d'avoir affaibli des ennemis potentiels. Ils n'ont pas le droit de transformer la retraite en déroute, d'envahir et d'occuper le territoire des perdants. (...) Un grand combat de Mae est donc, à bien des égards, conforme aux souvenirs qu'il laisse aux participants – une bonne séance de sport agréablement pimentée par le danger, une splendide journée de divertissement pour tous, au cours de laquelle les hommes (surtout les jeunes) peuvent faire montre de leur habileté et gagner leurs galons de guerriers. Tout cela est vrai, mais nous ne devons pas oublier, dans le confort de nos fauteuils, que les hommes meurent dans la douleur au cours de ces grands combats. (p. 20-21)

Une remarque pour terminer sur ce point : il y a entre les « grands combats » des Mae et le gaingar des Murngin de la Terre d'Arnhem, en Australie, une forme étonnante de symétrie, comme si on appliquait les mêmes principes dans les deux cas, mais en les inversant. Le gaingar, sur lequel je me suis attardé en détail dans mon livre, est en effet une « bataille pour mettre fin aux batailles ». C'est l'organisation d'un affrontement particulièrement meurtrier entre deux clans en conflit, ces clans étant de la même moitié (c'est-à-dire, approximativement, de la même phratrie). Le « grand combat », lui, est l'organisation d'un affrontement relativement modéré entre deux groupes socialement distants. Ainsi, dans un cas, on s'autorise à régler de manière anormalement violente un différend entre deux unités censées cultiver de bonnes relations ; dans l'autre, on tente de régler de manière anormalement peu violente un différend entre deux unités censées être hostiles. Les modalités du « grand combat », si elles en diffèrent un peu, ressemblent d'ailleurs par bien des aspects à celles censés régir les combats survenant entre clans de la même phratrie.

Pour finir, un résumé et une épine dans le pied

La norme Enga distingue trois niveaux d'utilisation collective de la violence, selon une gradation liée à l'éloignement social (ce qui constitue un motif très récurrent dans les sociétés sans État), plus un dispositif particulier (le « grand combat »), qui occupe une place particulière dans cette gradation. Les trois niveaux correspondent globalement à 1. un conflit censé rester non létal, 2. un conflit à la létalité limitée (pas d'attaque surprise, pas d'écrasement de l'adversaire), 3. un conflit sans limites. Leur repérage dans la réalité se heurte à une double difficulté. La première est la tendance apparemment prononcée à l'escalade – on passe semble-t-il assez facilement de la forme 1 à la 2 et de la 2 à 3. La deuxième difficulté, liée à la précédente, tient à l'écart entre la morale officielle et la pratique ; si deux unités sociales « fraternelles » sont censées montrer de la retenue dans l'emploi de la violence, tel n'est pas toujours le cas dans la réalité.

Reste néanmoins une enigme de taille, que les explications de Meggitt ne parviennent pas à dissiper. À partir de sa base de données, qui recense 84 événements, il présente page 109 les chiffres des victimes en fonction des unités sociales en conflit. Et là, surprise, le nombre moyen de morts s'avère très semblable d'un cas à l'autre : 3,8 pour les combats entre clans de phratries différentes, 3 pour les combats entre clans d'une même phratrie... et même 4,1 pour les combats entre sous-clans ! Il n'est pas évident de comprendre les raisons de ces chiffres a priori parfaitement contradictoires avec l'exposé. Un premier élément est que l'ensemble des conflits, quels qu'ils soient, font manifestement peu de victimes : 0, 1 ou 2. C'est seulement dans certains cas que ce nombre s'élève, parfois de manière très nette. Ainsi, un conflit entre sous-clans, a lui seul, a fait 16 morts, un chiffre considérable étant donné les relations censées prévaloir entre ces unités ; comme le nombre des conflits de cette catégorie est très réduit, c'est cet unique événement qui fait grimper la moyenne. Il y a donc peut-être un effet de loupe dans cette affaire. Quoi qu'il en soit, il est cependant frappant que tout ce qui est dit par ailleurs de la modulation de la violence se retrouve si peu dans les faits – à la différence de ce que je trouvais dans le cas Australien qui, de ce point de vue, était au contraire extrêmement net.

S'il est toutefois un aspect sur lequel la modulation semble s'exprimer très clairement, ce n'est pas celui du nombre des victimes des conflits, mais celui de leur fréquence. Les chiffres donnés par Meggitt font en effet état de 55 affrontements entre phratries (dont 2 « grands combats »), contre 22 entre clans d'une même phratrie et seulement 7 internes à des clans.

Je reviendrai dans un prochain billet sur plusieurs dimensions que je n'ai pas abordées ici, qu'il s'agisse de l'articulation de ce qui précède avec le feud, des motifs des conflits ou du rôle de la richesse dans leur règlement.

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