Pages

Du nouveau à Djebel Sahaba

Une étude menée par une équipe de préhistoriens français (I. Crevecœur, M.‑H. Dias‑Meirinho, A. Zazzo, D. Antoine et F. Bon), tout récemment publiée dans les Scientific Reports de la revue Nature sous le titre « New insights on interpersonal violence in the Late Pleistocene based on the Nile valley cemetery of Jebel Sahaba », vient ponctuer un long et minutieux réexamen des restes humains de ce célèbre site. Cette recherche, au-delà de la moisson d'éléments factuels nouveaux qu'elle apporte, soulève naturellement de passionnantes questions d'interprétation. Et si la fin de ce billet insiste sur quelques aspects critiques, il convient évidemment de commencer par saluer ce travail digne des meilleures enquêtes de police scientifique.

Djebel Sahaba, un témoignage de violence armée collective

Djebel Sahaba représente sans conteste l'un des plus emblématiques témoignages de violence collective parmi des sociétés de chasseurs-cueilleurs, égalé seulement dans les dernières années par celui de Turkana. À la différence de ce dernier, les corps n'y ont pas été laissés en l'état après un massacre : le site de Djebel Sahaba, on le sait depuis les premières fouilles dans les années 1960, est un cimetière, vieux d'au moins 13 400 ans, et où ont été inhumés quelque 60 individus.

Le patient travail de l'équipe a révélé plus de 100 lésions passées jusque là inaperçues, tant sur des cadavres où l'on en avait déjà identifié que sur d'autres, qui en étaient jusque là considérés comme exempts : ce ne sont ainsi plus 20, mais 40 individus dont les restes portent des marques de violence. La moitié d'entre elles sont des impacts de projectiles (sans doute des flèches), les autres des fractures probablement causées par des armes contondantes.

Une partie importante de ces lésions avaient guéri, ce qui prouve bien sûr le caractère récurrent des épisodes de violence – cet élément capital représente le principal apport de cet étude.

Les données peuvent être résumées dans le tableau suivant (l'article orginal fournit une décomposition par tranches d'âge qui n'est pas inintéressante, mais où les catégories sont représentées par un nombre très restreint d'individus, ce qui limite la portée des déductions possibles).

 Total
(n = 61)
dont adultes
(n = 43)
 n%n%
Sans lésion2032,81125,6
Lésions4167,23274,4
– dont guéries3892,732100
– dont non guéries1946,31546,9
– dont guéries et non guéries16391546,9

Le tableau d'origine détaille également la nature des lésions : en nombre sensiblement égal, des impacts de projectiles et des fractures causées par des objets contondants. Dans 11 cas, on a retrouvé des pierres qui constituaient manifestement l'armature de ces projectiles. Il s'agissait de lames particulièrement tranchantes, et fabriquées, selon les auteurs, dans le but manifeste d'accroître le degré de pénétration et d'augmenter la perte de sang. L'article ne se prononce évidemment pas sur la possibilité que ces pointes aient été spécifiquement conçues pour le combat, à juste titre : une telle possibilité ne doit en aucun cas être écartée, mais elle est presque impossible à prouver sur le plan archéologique.

Quatre points de discussion

Il est évidemment toujours très difficile de faire parler des restes archéologiques – en l'occurrence, l'analogie souvent faite avec une scène de crime se justifie doublement ! Mais c'est évidemment à cet exercice qu'il faut se livrer si l'on veut aller au-delà de la frustrante – et quelque peu stérile – description brute des données.

La définition de la guerre

Un premier point, certes un peu périphérique, mérite néanmoins d'être relevé. Je comprends mal, en effet, pourquoi écrire que :

Plusieurs exemples ethno-archéologiques suggèrent que le concept de guerre peut embrasser toutes les formes de relations antagonistes, depuis les feuds, les meurtres individuels, les embuscades, les raids et la prise de trophées jusqu'à des confrontatins sanglantes et des conflits armés plus larges.

Que certains auteurs aient tout mélangé, c'est une chose, mais on ne voit guère en quoi un meurtre individuel devrait davantage être compté comme une guerre dans une société sans État que dans la nôtre. Au demeurant, l'énumération fait feu de tout bois, puisqu'elle entremêle indifféremment des considérations d'échelles, de mobiles, ou de dispositifs tactiques. Répétons donc que la guerre doit bel et bien être définie, quitte à avouer l'impossibilité de l'identifier sur la seule base archéologique. Mais on ne gagne rien, au motif qu'il est probablement impossible d'effectuer cette identification avec certitude, à suggérer en quelque sorte que tout est dans tout, et que du moment que l'on a plusieurs morts (ou même un seul ?) on est face à une « guerre ».

Pas de violences domestiques ?

Ensuite, même s'il s'agit d'aspects secondaires, il me semble qu'une même petite erreur de raisonnement grève deux points de l'interprétation.

La première concerne l'origine des fractures de parade, presque toutes concentrées sur les membres supérieurs des squelettes féminins. Les auteurs écartent la possibilité qu'elles résultent de violences domestiques, du fait que « le profil des autres lésions sur les femmes et les immatures à Djebel Sahaba est incompatible » avec un tel cas de figure. Or, si le profil des blessures observées semble en effet interdire de les imputer dans leur totalité à d'éventuelles violences domestiques, il ne permet nullement de rejeter cette éventualité pour une partie d'entre elles. Pour prendre un exemple ethnographique bien connu, les Yanomami d'Amazonie conjuguaient à la fois une violence intergroupe récurrente et parfois dévastatrices, et une violence quotidienne à l'égard des femmes, exercée pour une part avec des armes contondantes provoquant le cas échéant des fractures, mais qui pouvait aussi s'exprimer par des tirs de flèches dans des parties non vitales.

Pas de massacre de masse ?

C'est le même type d'erreur, me semble-t-il, qui conduit les auteurs à écrire que :

Sans écarter la possibilité que le cimetière de Djebel Sahaba ait pu constituer un lieu d'inhumation spécifique pour les victimes de violences, la présence de nombreux traumas guéris et la réutilisation de l'espace funéraire militent en faveur d'épisodes récurrents de violence interpersonnelle sporadique sur une échelle réduite à la fin du Pleistocène.

Or, si la réutilisation de l'espace funéraire prouve bel et bien, et sans le moindre doute, que les morts de Djebel Sababa ne peuvent être attribués à un épisode unique, il ne permet nullement de conclure à l'absence d'un massacre de grande ampleur, qui aurait sans doute suivi une série d'accrochages. Une telle combinaison est même assez banale dans la vie sociale - les coups de tonerre surviennent rarement dans un ciel serein. La littérature ethnologique fournit de nombreux exemples de telles configurations ; je pense notamment au récit de Heider sur les Dani de Nouvelle-Guinée, qui rapporte qu'après de longs mois de combats « ritualisés » au bilan limité, les hostilités avaient culminé le 4 juin 1966 par une attaque surprise ayant provoqué le nombre astronomique, rapporté aux populations impliquées, de 125 victimes.

Scène de bataille chez les Dani de Nouvelle-Guinée

Des conflits sur les territoires ?

Reste un dernier point, sur lequel je dois avouer un franc désaccord. Il concerne les motifs de ces événements, attribués à des rivalités territoriales :

Le niveau élevé de violence interpersonnelle observé sur le site peut, pour partie, avoir été causé par la variabilité climatique (...) La variation des industries lithiques indiquant diverses traditions culturelles et la co-occurence de vastes cimetières suggérant quelque forme de sédentarité, il est probable que les groupes de chasseurs-cueilleurs-pêcheurs de la région se soient livrés à une rude compétition territoriale lorsqu'ils furent obligés de s'adapter aux changements environnementaux radicaux enregistrés à la fin du dernier maximum glaciaire et au début de la Période humide africaine. Le changement climatique a très certainement constitué un facteur de compétition violente pour les ressources, ainsi que le montrent les données ethno-archéologiques

En réalité, il n'existe pas le moindre indice archéologique qui permettrait de privilégier cette hypothèse plutôt qu'une autre – on ne voit d'ailleurs guère comment les motivations d'un conflit pourraient apparaître dans des traces matérielles non écrites, a fortiori lorsque celles-ci se limitent à un cimetière. On peut certes relier les changements climatiques aux restes de Djebel Sahaba, mais cette mise en relation est une interpolation qui ne repose sur rien d'autre qu'un raisonnement a priori, et qui n'est étayé par aucun indice archéologique. Quant aux données ethnologiques, elles indiquent plutôt, au contraire, que la conquête territoriale ne représente qu'un motif marginal dans les affrontements armés de ce type de sociétés. C'est ce qui ressort de mon enquête australienne, mais le même constat peut être fait à propos des Inuits, de l'Amazonie, de la Nouvelle-Guinée, et sans doute de bien d'autres lieux encore. Sur ce point, il faut comme toujours se méfier de ce que suggère l'intuition, qui souffre forcément de notre myopie sociale et qui, souvent, est contredite par l'observation des pratiques de ces sociétés si différentes de la nôtre.

8 commentaires:

  1. Je partage tes réserves à la fin sur ce besoin de toujours vouloir expliquer la guerre ou la violence par des facteurs extérieurs afin que, surtout, elle ne fasse pas partie des mœurs.
    Cela dit, l’hypothèse de rivalités territoriales de la part de groupes supposés semi-sédentaires dans un contexte de crise environnementale ne paraît pas invraisemblable même si je t’accorde que rien ne vient le démontrer. Cette thèse n'est d'ailleurs pas nouvelle, c'était déjà celle de Wendorf, le découvreur, à la fin des années 1960. Je note que l'on pourrait éventuellement considérer l’homme de Wadi Kubbaniya, cité dans l’étude, comme un contre-exemple puisqu’il a été tué environ 7000 ans avant l’épisode d’aridité invoqué par les auteurs. Lui aussi portait des blessures cicatrisées en plus des lamelles de silex retrouvées dans sa cavité abdominale qui lui ont sans doute été fatales. Mais l’argument ne vaut qu’à moitié car si mes souvenirs sont bons l’hyperaridité se développe progressivement dès le début du Paléo récent. Ce qui est sûr c’est que l’on se castagnait déjà depuis un bon moment dans la région.
    Pour rappel, la vallée du Nil abrite également le site rupestre de Qurta et quelques autres (dont un en face du Wadi Kubbaniya) dont les gravures entretiennent des parentés frappantes avec l’art paléolithique européen. Parentés qui pour moi ne s’explique que par des contacts intercontinentaux. Du reste, d’importants flux de gènes en provenance du Proche-Orient sont attestés en Europe à partir de - 14 000. Pour ceux que ça intéresse, j'avais rédigé une note sur les liens formels et thématiques entre Qurta et l’art européen contemporain qui est dispo à cette adresse :
    https://www.academia.edu/11695847/L_art_paléolithique_européen_de_la_Vallée_du_Nil

    RépondreSupprimer
  2. Permettez-moi de vous remercier pour le billet critique que vous avez réalisé au sujet de notre travail sur Jebel Sahaba. C'est toujours agréable de savoir qu'un travail est lu et décortiqué.
    J'aimerais ajouter quelques commentaires aux critiques que vous soulevez. Le premier concerne la définition de la guerre. La phrase très générale que vous citez a pour vocation d'insister sur le fait que les actes dont les individus de Jebel Sahaba ont été les victimes sont certainement à mettre dans une forme de concept de guerre vu la diversité des causes et expressions brossées par les références citées en fin de phrase. Le rejet de l'hypothèse d'un conflit unique à Jebel Sahaba ne nie en rien les rapports conflictuels observés.
    Concernant les violences domestiques, on ne peut évidemment pas écarter quelques cas marginaux. Cependant, le taux de fracturation sur les avant-bras chez les femmes, s’il est significativement plus élevé que chez les hommes (chez qui ce sont les fractures des ossements de main qui sont à la limite de la significativité), n'est pas accompagné d'un taux de fracturation crânienne plus important. C'est malgré tout un argument fort comparé aux données de la littérature sur ce sujet. L'absence de différences entre hommes et femmes au niveau des lésions anatomiques crâniennes à Jebel Sahaba suggère que si violences domestiques il y a eues, elles ne sont pas ou peu corrélées aux traumas des avant-bras chez les femmes.
    ...

    RépondreSupprimer
  3. Le troisième point de discussion qui porte sur le massacre de masse semble ne pas tenir compte de la discussion sur la sélection des individus inhumés au sein du cimetière (évoquées plus haut dans le texte, la phrase citée venant simplement ponctuer l'argumentaire sur le cimetière spécifique). En effet, en plus de la réutilisation de l'espace funéraire et de la présence de lésions cicatrisées, c'est bien l’absence d'anomalie démographique qui permet d’écarter l’hypothèse d’un massacre de grande ampleur. Comme expliqué dans les informations supplémentaires, un massacre de masse créerait une anomalie du profil de mortalité du cimetière. Lors d'une crise de mortalité, on observe une augmentation des individus dans les classes d’âges les moins susceptibles de mourir autrement. Cela se marque, par exemple, avec la surreprésentation des adolescents et des jeunes adultes dans le profil de mortalité d'un cimetière. Malgré la présence de certaines tombes multiples (qui témoignent évidemment de morts simultanées des individus inhumés ensemble), le cimetière de Jebel Sahaba ne présente pas ce type d’anomalie.
    Pour finir, la question des motivations. Je suis bien d'accord avec vous sur leurs potentielles diversités et la difficulté de la mettre en évidence au niveau archéologique. Malgré tout, la vallée du Nil et ses enregistrements sédimentaires et archéologiques offrent un cadre géologique exceptionnel en plus d'une mine de données inégalées sur les occupations humaines à la fin du Pléistocène supérieur. J’encourage les lecteurs à lire les informations supplémentaires associées à notre article (https://static-content.springer.com/esm/art%3A10.1038%2Fs41598-021-89386-y/MediaObjects/41598_2021_89386_MOESM1_ESM.pdf). Ces dernières synthétisent le contexte paléoenvironemental et archéologique de la région entre 20 et 11 ka. Les témoignages archéologiques et géologiques de contractions des populations humaines dans la région dès 25 ka et jusque ~11 ka, de fortes fluctuations climatiques et environnementales et de grande diversité culturelle, sans doute en lien avec la structuration des groupes humains dans cette zone refuge, sont légions. Même si les motifs peuvent avoir été comportementaux/culturels en priorité, et donc en partie inaccessible au niveau archéologique, minimiser l'impact des changements climatiques et environnementaux sur ces groupes humains de la fin du Pléistocène dans la vallée du Nil avec les données disponibles serait une erreur.
    En vous remerciant encore pour la possibilité de cet échange, espérons que l'occasion nous sera donnée par la suite d'en discuter de façon moins virtuelle.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour, c'est à l'intéressé de répondre mais une simple remarque me vient en vous lisant. Imaginons qu’il s’agisse bien d’un massacre de masse qui prolonge des accrochages ponctuels et que des forces vives, autrement dit les sujets les plus jeunes, aient été à cette occasion capturés et réduits en esclavage comme l'ethnologie peut le rapporter, en particulier chez les chasseurs-cueilleurs sédentaires ce qui semble bien être le cas ici, cela ne fragilise-t-il pas l’argument de l'absence d'anomalie démographique(cf. non surreprésentation des adolescents et des jeunes adultes)? Certes, là encore, rien n'est démontrable mais il ne paraît pas aberrant d’évoquer cette possibilité.

      Supprimer
    2. Bonjour Isabelle, et merci en retour pour avoir engagé la discussion !

      Sur la définition de la guerre, je crois que nous avons du mal à nous comprendre. Je suis bien placé pour savoir toute la difficulté de la chose – et l’on n’est pas obligé de s’y risquer dans le cadre d’un court article archéologique. Pour en revenir à la phrase que je contestais, je ne peux que le répéter : que certains auteurs (mais sont-ils si nombreux ?) aient élargi le concept de guerre à n’importe quelle forme de violence est une chose ; qu’ils aient été en droit de le faire en est une autre. Il n’y a aucune honte à avouer d’une part la difficulté à définir précisément la guerre, d’autre part (et surtout ?) la difficulté plus grande encore à appliquer cette définition à des données archéologiques.
      Sur les violences domestiques, je crois que votre réponse me convainc qu’il y a bel et bien un problème, mais que je l’avais mal perçu (et formulé). En effet, comment expliquer qu’un nombre significativement plus élevé de fractures de parade chez les femmes ne s’accompagne pas d’un même surnombre de fractures crâniennes ? Violences domestiques ou non, il y a là une petite énigme dont je ne vois pas la solution – à moins d’avancer l’hypothèse très osée que les femmes auraient porté des casques dont on ne retrouve aucune trace.
      C’’est finalement le même genre de questionnement auquel nous sommes confrontés avec la pyramide des âges. J’avoue bien humblement avoir laissé cet aspect de côté dans ma première réaction, faute d’être certain de comprendre le raisonnement. Après vos éclaircissements, je pense comprendre, mais n’être toujours pas convaincu. Si je résume bien les données du problème : nous sommes en présence d’un certain nombre de morts violentes, mais dont la répartition par âge correspond à celle des morts naturelles. Cela écarterait donc l’éventualité d’un massacre unique, et permettrait de privilégier celle d’une série d’escarmouches.

      Supprimer
    3. En fait, il me semble qu’il y a là une double erreur de raisonnement. Pour commencer, je ne vois pas en quoi une série d’affrontements limités permettrait mieux qu’un affrontement massif d’expliquer ce fait étrange que les morts violentes adoptent le profil d’âge des morts naturelles. Dans quel type de confrontation tuerait-on en priorité les jeunes enfants et les vieillards ? Il me semble que cette éventualité est contraire non seulement au bon sens, mais aussi à tout ce que nous apprend l’ethnologie. J’aurais donc tendance à dire que ce profil ne correspond NI à un affrontement unique, NI à une série d’affrontements ; qu’il ne permet donc pas de privilégier l’une ou l’autre éventualité, et qu’il appelle lui-même une explication.
      A cette fin, l’hypothèse évoquée dans le commentaire précédent par Emmanuel Guy est tout à fait envisageable. Une autre possibilité est que les morts retrouvés enterrés à Djebel Sahaba ne soient qu’une fraction non représentative de ces affrontements et que, pour une raison ou pour une autre, les cadavres recevaient un traitement funéraire différencié selon leur âge, ou les circonstances dans lesquelles ils avaient trouvé la mort – c’est par exemple ce que l’on observe dans les populations décrites par l’ethnographie australienne.
      Pour finir, je ne crois pas minimiser l’impact des changements climatiques sur ces groupes. Je dis simplement que le matériel ethnologique nous donne de tout autres informations que celles que nous livre notre intuition. Ma base de données australienne montre que les conflits territoriaux étaient sinon inconnus, du moins extrêmement rares. Ce trait est corroboré par les éléments que j’ai commencé à rassembler sur d’autres peuples. Aussi, je crois qu’il nous fait être prudents et admettre que ces populations pouvaient avaient d’autres motifs pour se battre (voire, pour s’exterminer) que ceux qui nous viennent spontanément en tête, quand bien même ils semblent cohérents avec certaines données archéologiques. J’irai même plus loin : l’idée que l’hypothèse territoriale serait plus fiable, ou plus vraisemblable, que d’autres, parce qu’elle se raccroche à de telles données archéologiques est un peu dangereuse, car nous n’avons aucune preuve du lien entre les deux éléments.

      Supprimer
    4. Jean-Marc Petillon22 juin, 2021 23:11

      Bonjour Isabelle,
      Je rejoins la discussion avec beaucoup de retard... J'ai été impressionné par la qualité de l'étude, mais j'ai moi aussi été un peu déçu par le paragraphe sur les motivations, juste avant la partie de conclusion. Peut-être parce que j'y ai finalement retrouvé des réflexes de pensée un peu trop classiques chez les archéologues : l'idée que des données archéologiques peuvent nécessairement s'expliquer par d'autres données archéologiques ; et le fait que, in fine, tout ça finit toujours en déterminisme environnemental. Je suis bien d'accord avec ton commentaire sur le fait qu'il ne faut pas minimiser l'impact des changements climatiques sur les groupes humains, mais il me semble que l'article va au-delà : non seulement il ne minimise pas cet impact, mais il le propose comme seule explication, il n'y en a pas d'autre qui soit suggérée. Je trouve que ces données anthropo exceptionnelles offraient précisément l'occasion de faire un "pas de côté" par rapport à ces schémas de pensée...

      Supprimer
  4. Jean-Marc Petillon22 juin, 2021 23:24

    Autre chose : j'ai été étonné par la fourchette chrono indiquée pour le site - plus de cinq millénaires entre 18.6 et 13.4 millénaires cal BP, ça me semblait énorme pour la réutilisation d'un même cimetière, avec des gestes comparables, etc. Mais si j'ai bien compris les supplementary data, l'ampleur de cette fourchette tient beaucoup à une des dates, celle faite dans les années 1980, nettement plus ancienne alors que les 5 autres dates sur os et dentine se groupent entre 13.5 et 11.5 millénaires cal BP. Mais du coup, n'y a-t-il pas de quoi douter quelque peu de cette date faite anciennement, et pourquoi ne pas prendre en compte celles qui sont dans la fourchette entre 13.5 et 11.5 ? En termes d'interprétation sociale (durée de ces comportements, rythme et récurrence, etc.), il me semble que ça peut changer un peu la donne ?

    RépondreSupprimer