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Après les grands discours, les petits dessins

Je termine (provisoirement ? On n'est jamais à l'abri d'une mauvaise surprise...) mes réflexions sur la richesse par un schéma récapitulatif. Si, comme on le dit depuis le début, la richesse se définit par la possibilité de convertir / d'échanger / d'établir une équivalence entre les droits de propriété sur des objets et d'autres rapports sociaux, alors il est possible de représenter les principaux éléments du jeu social sous la forme d'ensembles, entre lesquels des flèches (au besoin, à sens unique) viendront figurer ces possibilités de conversion.
Ces éléments sont au nombre de six :
  1. les prestations en travail, en services, tout ce qui touche à l'intégrité physique de l'individu et qui est en quelque sorte la monnaie avec laquelle « on paye de sa personne »
  2. les droits de propriété sur des objets non humains (matériels ou immatériels)
  3. les autres droits sur ces mêmes objets – à commencer par les droits d'usage
  4. les droits sur les humains
  5. les obligations de nature judiciaire ou politique
  6. les statuts, titres, grades, appartenance à des groupes sociaux (hors de ceux définis par la parenté).
Les possibilités de conversion relevant de la richesse sont ici figurées en rouge. Dans le monde I, la seule dans ce cas est celle que j'ai appelée minimale : la conversion de P¬H en d'autres P¬H. Mais hormis cela, ces P¬H n'exercent aucune fonction dans le jeu social. Celui-ci, dans un cadre fixé par ailleurs (notamment, celui de la parenté) se joue uniquement avec les accomplissements personnels des individus.
La richesse développée – et le passage aux mondes II-III dont elle est synonyme – démultiplie les possibilités ouvertes par les P¬H, qui peuvent dorénavant être convertis en tout ou partie des autres éléments du jeu social.
Ils tendent d'ailleurs à en devenir le centre, pour deux raisons : pour commencer, ces droits sont susceptibles d'être accumulés (en théorie, sans limites) et donc, de posséder une puissance (au sens littéral, celui des sciences physiques) infiniment supérieure à celle des accomplissements personnels, si brillants soient-ils. Ensuite, en tant qu'intermédiaires dans le jeu social, les droits sur les biens ne font pas que s'ajouter au travail et aux services : ils sont enclins à les évincer. Chacun sait de nos jours qu'il faut de l'argent ne serait-ce que pour couvrir ses besoins quotidiens. Une fois qu'ils sont institués, les dommages stipulés en biens matériels tendent à se substituer au châtiment corporel, tout comme le prix de la fiancée tend à faire disparaître le service matrimonial.
Si, donc, le schéma ci-dessus, le plus général, laisse ouverte toutes les possibilités, il existe de fortes probabilités qu'une société marquée par la richesse ressemble davantage à celui-ci :
Pour finir, il me semble qu'il est un mot tout trouvé pour qualifier le triomphe, dans les relations sociales, des objets via les droits que l'on détient sur eux, objets qui semblent acquérir une vie propre et gouverner les humains indépendamment de leur volonté : c'est le fétichisme – lointain prémisse du fétichisme spécifique de la marchandise, qui s'épanouira avec le capitalisme.

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