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Une visite au Paléosite de Sainte-Césaire

Mes récentes pérégrinations m'ont conduit vers plusieurs lieux qui méritent d'être mentionnés dans ce blog : je commence la série par le Paléosite de Sainte-Césaire, dans les Charentes-Maritimes [edit : LA Charente-Maritime], qui se propose de faire découvrir à un large public les périodes du Paléolithique moyen et supérieur (peuplées, dans notre petit coin d'Eurasie occidentale, successivement par Néandertal et Sapiens).
Dans sa conception, l'endroit fait immédiatement penser à Samara – je ne sais lequel des deux s'est inspiré de l'autre, mais il n'y a aucun problème, bien au contraire, à ce que les bonnes idées fassent des petits. Il s'agit en effet bien moins d'un musée au sens strict, où seraient exposées des pièces issues des fouilles, que d'un lieu qui privilégie les reconstitutions (d'habitats, de productions matérielles et d'animaux) – un choix certainement infiniment plus attractif et pédagogique. Passée l'entrée, où trônent quelques animaux impressionnants (dont un mégalocéros et magnifique bison géant), une salle concentre l'exposé de quelques connaissances générales sur la période. Mais c'est en plein air que l'on prend la véritable mesure de l'effort, avec en particulier la reconstitution de deux campements, celui de Néandertals chasseurs de rennes, et celui dune bande de Sapiens. Habitats et animaux sont saisissants, les ossements et les quartiers de viandes semblent aussi vrais qu'ils peuvent l'être, on s'attend à voir les mouches tournoyer au-dessus des cadavres de mammouths à demi-charognés, et les sapiens, habillés et maquillés (pour une cérémonie ?)  sont particulièrement réussis.
Là où, en revanche, je n'ai pu m'empêcher d'être un peu déçu,  c'est sur l'investissement humain qui pourrait permettre de faire vivre le site. Le parc est censé être animé par des exposés et des démonstrations ; en fait, une seule animatrice passait de lieu en lieu, enchaînant les prestations, mais une seule était donc disponible à la fois. Je n'ai pas assisté à « l'allumage du feu », mais j'ai participé au tir (massif) au propulseur, où plusieurs dizaines d'enfants et d'adultes ont pu durant quelques minutes vérifier (une fois de plus ?) que l'affaire demande un certain apprentissage. Mais là aussi, si le côté ludique était parfaitement assuré, le versant pédagogique aurait mérité mieux. L'exposé, par la force des choses, était limité à sa plus simple expression, et plusieurs affirmations m'ont laissé perplexe : pourquoi avoir doté les sagaies d'un empennage, alors qu'on n'en possède aucune trace archéologique et qu'aucun projectile australien n'en était muni ? Plus gênant encore, le panneau explicatif qui affirme que le propulseur, à l'époque contemporaine, était encore utilisé par les Inuits, les Australiens et les Bushmen. Si le fait est incontestable pour les deux premiers, c'est la première fois que je lis une telle information à propos des troisièmes qui, en plus, pâtissent d'une malencontreuse faute d'orthographe.
De même, le panneau présentant le campement de Sapiens est pour le moins intriguant : on y lit que celui-ci présentait des structures exprimant « un système défensif et dissuasif : présence de pieux au sol et de crânes exposés (totems). Un tel agencement témoigne aussi de l'esprit de conquête d'Homo sapiens ». Une telle phrase cumule les imprudences. Outre que je doute qu'on ait  jamais eu la moindre preuve de dispositifs défensifs de ce type, j'ai bien du mal à voir en quoi un crâne exposé serait un totem, et tout autant un dispositif de défense (par dissuasion ?). Les exemples ethnologiques que je connais, et qui ne viennent guère il me semble de chasseurs-cueilleurs mobiles, tendraient à faire penser qu'il y a bien d'autres motifs pour exhiber des crânes. Bref, si Samara péchait sans doute par l'éclairage exagérément pacifiste porté sur ces sociétés, les rédacteurs de Paléosite semblent n'avoir échappé à ce travers qu'au prix de libertés assez contestables avec ce que l'on sait de la réalité.
Pour en revenir à l'impression générale, on ne peut que regretter qu'un site potentiellement aussi intéressant bénéficie d'aussi peu de moyens humains pour son animation, et semble de fait peu ou prou cantonné au rôle de colonie de vacances éducative pour les enfants – un objectif certes louable, mais nettement en retrait de celui qu'on pourrait légitimement espérer.

2 commentaires:

  1. Hello,

    Bon, d'abord il n'y a qu'une Charente-Maritime (et qu'une Charente). Parisien, va !
    Pour le coup d'un seul animateur, c'est curieux, habituellement il y en a plusieurs. Pour le reste, il y a effectivement des faiblesses. Les conseillers scientifiques au départ étaient tous des spécialistes de Néandertal ou plus vieux (Hublin, Vandermeersch, l'incontournable Coppens...), donc autant dire que pour la palethnologie de Sapiens il faut aller voir ailleurs. Sympa pour des gamins seuls ou accompagnés (et c'est effectivement la clientèle principale) qui ont le temps d'oublier les conneries d'ici à ce qu'ils soient adultes, mais un peu limite pour des adultes qui s'intéressent de près au Paléolithique.

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    1. Je corrige donc illico pour la Charente-Maritime (je ne sais pourquoi on parle toujours « des » Charentes...), et bats ma coulpe parisienne aussi fort que possible. Pour les animations, je suis peut-être simplement tombé sur un jour de pas de chance, mais on était tout de même au mois d'août, et j'ai du mal à croire que les effectifs étaient davantage décimés par la grippe que par les réductions budgétaires.

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