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Note de lecture : Le sexe, l'Homme et l'évolution (P. Picq - P. Brenot)

Commençons par ce qui fâche : ce livre écrit à quatre mains souffre de sérieux défauts qui m'en ont fait abandonner la lecture plusieurs fois, en dépit des informations pourtant riches qu'il contient. Manifestement, chacun des deux auteurs s'est chargé de l'une des deux parties principales, mais aucun effort sérieux de relecture et d'édition n'a été entrepris pour les harmoniser ; raccords hasardeux et redites s'empilent donc. Redites qui se nichent y compris au sein d'une même partie — la première, en l'occurrence, manifestement due à la plume de Pascal Picq, qui laisse par moments l'impression d'un travail (trop) vite réalisé, et qui aurait gagné à consacrer davantage d'attention à la forme. C'est d'autant plus étonnant que l'ouvrage est paru chez un « grand » éditeur (Odile Jacob) dont on serait — naïvement ? — en droit d'attendre un peu plus de vigilance.

Une fois l'obstacle vaincu et cette première impression mise de côté, Le sexe, l'Homme et l'évolution, s'avère être un texte plein d'enseignements. Celui-ci, surtout dans sa première partie, dresse un bilan raisonné des connaissances sur la sexualité humaine, qu'il met en regard avec celle de nos proches parents primates dans une perspective évolutionniste. On appréciera tout particulièrement le fait que P. Picq ne s'en tient pas aux seuls éléments informatifs, mais qu'il les discute systématiquement, n'hésitant pas à avouer clairement quels points sont des certitudes et quels autres des hypothèses, parfois fragiles. Dans une saine approche scientifique, l'auteur ne paraît jamais tenter d'avancer ses thèses en fraude, ou de présenter de simples conjectures comme des vérités établies.

Contre la (ou une certaine ?) sociobiologie

Peut-être parce que le domaine m'est quasiment inconnu et que je tente d'y acquérir quelques repères, j'ai particulièrement apprécié les divers passages où l'auteur s'en prend aux simplifications introduites par la sociobiologie (éventuellement rebaptisée « psychologie évolutionniste »). Depuis des publications savantes jusqu'à des ouvrages destinés au grand public, on a vu ces dernières années déferler des écrits tentant de prouver que les comportements, réels ou supposés, de chacun des deux sexes étaient le fruit de la sélection darwinienne, qui avait peu à peu fait émerger des stratégies totalement différentes pour les mâles et les femelles. Dans les détails, l'argumentation a pu varier ; mais sur le fond, elle se ramène infailliblement au fait que les mâles, produisant les spermatozoïdes par millions, adopteraient « naturellement » une stratégie visant à multiplier les partenaires et les rapports sexuels afin de maximiser leur descendance. Inversement, les femelles, produisant peu d'ovules et condamnées par la nature à un investissement parental important, sont programmées pour sélectionner et retenir un partenaire qui investira de l'énergie dans l'éducation et la protection de sa progéniture. Les mâles seraient donc génétiquement programmés pour rechercher des partenaires multiples pour leurs qualités physiques, et les femelles pour s'attacher un mâle unique choisi pour la sécurité qu'il leur apporte ; il ne faudrait pas chercher ailleurs Pourquoi les femmes des riches sont belles, titre d'un ouvrage paraît-il fort sérieux publié sur la question.

Le couple Arnaud Lagardère - Jade Forêt :
chef d'oeuvre de la sélection naturelle...
ou du capitalisme ?
Pascal Picq apporte un démenti cinglant à ces raisonnements, insistant notamment sur le fait que pour les mâles, la multiplication des partenaires n'est nullement la seule, ni forcément la meilleure manière de s'assurer une descendance parvenant à maturité. Chez les oiseaux (mais pas uniquement) nombre d'espèces sont d'une stricte monogamie, avec des investissements paternels très forts. De même, et cela vaut des primates, les femelles assurent la plupart du temps tant leur propre approvisionnement que celui de leur progéniture, et n'ont guère besoin pour cela des mâles. Au demeurant, chez plusieurs espèces, dont les chimpanzés, elles multiplient les partenaires masculins dans des jeux complexes de séduction, de domination et de pouvoir. Sur ce point, il faut donc récuser en bloc l'argument sociobiologique :
« La sexualité et la reproduction ne passent pas que par des stratégies égoïstes de l'individu (ou du gène), même si dans les théories de l'évolution on en revient toujours au succès reproductif différentiel des individus. Il y a confusion entre ce qu'on appelle les causes ultimes et les moyens mis en œuvre pour assurer un succès reproducteur. » (p. 36)

Un peu d'ethnologie 

Aux arguments présentés par P. Picq, j'en ajouterai deux tirés de l'ethnologie, qui réfutent me semble-t-il une autre affirmation soutenue par bien des sociobiologistes. Selon celle-ci, la domination masculine dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs (puis, par extension, dans les sociétés postérieures) serait le produit « naturel » de la volonté des mâles de s'assurer l'exclusivité de l'accès sexuel à certaines femelles, afin que les enfants qu'ils contribuent à élever soient bel et bien porteurs de leurs propres gènes. Or, ce raisonnement ne tient pas, pour au moins deux raisons.

La première est que la domination masculine n'et pas présente, en tout cas de manière indiscutable, dans toutes ces sociétés. Que ce soit chez les Bushmen du Sud de l'Afrique ou dans certaines tribus Australiennes, les hommes ne prétendaient pas monopoliser la sexualité des femmes ; de part et d'autre, l'adultère était largement pratiqué et toléré. Dans les îles Andaman, c'était sans doute beaucoup moins vrai, car la monogamie était de règle. Mais elle semblait s'imposer tout autant aux hommes qu'aux femmes, ce qui contredit là aussi l'argument sociobiologique.

Mais il est un second fait, encore plus gênant pour les thèses de la psychologie évolutionniste. C'est que chez les peuples (parfois fortement polygynes) où les hommes avaient acquis un contrôle sur la sexualité des femmes, ce contrôle ne se traduisait nulle part par l'usage exclusif de la sexualité des femmes de la part de celui qui en détenait les droits. Dans toutes ces sociétés, qu'il s'agisse des Inuits ou des Australiens, la jalousie sexuelle était inconnue, et les femmes étaient amenées à avoir (avec, mais aussi bien souvent, sans leur consentement) des relations dans un cadre cérémoniel ou profane avec d'autres hommes que leur mari. Et si celui-ci punissait un rapport extra-conjugal, ce n'est pas en soi parce qu'il avait eu lieu, mais parce qu'il avait eu lieu sans son autorisation : le même mari prêtait volontiers sa femme à un homme dont il recherchait l'amitié. Tout cela s'accorde bien mal avec les raisonnements platement fondés sur le « gène égoïste », raisonnements qui plaquent sans aucune prudence sur les sociétés du passé des sentiments et des pratiques qui ne se sont développés que bien plus tard, et pour des raisons qui sont donc strictement culturelles.

Pour en revenir au texte de P. Picq, celui-ci tord le cou à une autre idée reçue, selon laquelle la domination masculine pourrait s'expliquer « naturellement » par la plus grande force physique des mâles. Picq montre que certains éléments du dimorphisme sexuel — la différence de taille ou d'armes naturelles entre mâles et femelles de la même espèce — est avant tout dû à la compétition intra-sexuelle, c'est-à-dire à la lutte des mâles entre eux pour l'accès aux femelles. Or, cet armement naturel ne préjuge pas des relations que les mâles peuvent avoir avec les femelles. Celles-ci pourront être très agressives dans certains cas, comme chez les éléphants de mer, ou beaucoup plus paisibles dans d'autres, comme chez les gorilles.

Quelques corrections

Passionnant lorsqu'il traite de biologie, d'éthologie et d'évolution, le livre perd un peu de son intérêt (à mes yeux) lorsqu'il aborde des question plus sociétales. Surtout, ses quelques incursions dans le domaine de l'ethnologie sont l'occasion de plusieurs affirmations très contestables.

1. Ainsi en va-t-il de Pascal Picq, qui affirme bien imprudemment :
« Chez tous les peuples se pratique l'exogamie des femelles, constatée par tous les ethnologues dont Claude Lévi-Strauss » (p. 154)
Une telle « exogamie des femelles » est un étrange concept. S'agit-il du fait que les femmes doivent se marier (en fait, avoir des rapports sexuels) hors de leur groupe de parenté ? Si oui, on ne voit guère en quoi cette exogamie pourrait, par définition même, concerner davantage les femelles que les mâles. S'agit-il alors (et dans le contexte, c'est plus probable), de dire que ce sont les femmes qui doivent rejoindre le lieu ou le groupe de résidence de leur mari, ce qu'en langage technique on appelle la virilocalité ? Mais une telle pratique, si elle est fréquente, est très loin d'être universelle. Bien des peuples, dont les célèbres Iroquois, imposaient au contraire la matrilocalité, sans parler de tous ceux qui ne fixaient pas de règle particulière pour la résidence des jeunes couples. Quant à Lévi-Strauss, sa thèse portait sur le fait que « partout, ce sont les hommes qui échangent les femmes »  — comprenez : des droits sur les femmes : la thèse, qu'il faut d'ailleurs sérieusement nuancer, ne concernait en elle même ni les groupes de parenté ni la résidence.

2. Une autre affirmation pour le moins surprenante est vraisemblablement due à Philippe Brenot, qui écrit à propos de la prostitution que :
« Les premières mentions de la prostitution apparaissent dès les premières concentrations urbaines, au Moyen-orient, il y a 7 000 à 10 000 ans. » (p. 205)
L'erreur de date, si c'en est une, est grossière. Les plus anciennes concentrations urbaines remontent au IVe siècle avant notre ère, soit il y a 6 000 ans au grand maximum. Auparavant, on ne peut parler que de villages. Et surtout, on se demande bien comment il pourrait être fait « mention » de la prostitution avant l'invention de l'écriture elle-même, invention dont la plus ancienne trace remonte à  5 500 ans. La plus ancienne trace écrite de la prostitution date au plus de 4 500 ans, et encore s'agit-il d'une « prostitution » à caractère rituel, fort éloignée de celle dont il est question de nos jours.

Aborigènes australiens des Territoires du Nord,
photographiés — sans pagne — au début du XXe siècle par H. Basedow
3. P. Brenot, toujours lui, affirme à propos de l'originalité humaine consistant à cacher les organes sexuels, que cette pratique est aussi ancienne que l'humanité elle-même, le « pagne » étant un vêtement universel (p. 251). Or, tous les peuples de chasseurs-cueilleurs ne portaient pas de pagnes — tout au moins, avant que les missionnaires occidentaux ne le leur imposent. Les Australiens, par exemple, femmes et hommes, allaient intégralement nus.

4. Enfin, l'interdit de l'inceste est expliqué de la manière suivante :
« Les raisons majeures de  la prohibition de l'inceste dans l'espèce humaine sont très certainement liées à l'origine des rapports hommes/femmes et à la domination masculine qui s'est imposée dans l'histoire de l'humanité. C'est en effet la loi du père – ou des pères – qui a ainsi « mis la main » sur les alliances pour le maintien du pouvoir par l'échange des femmes et, en premier lieu, de ses filles contre des territoires, des liens sociaux, de l'argent. C'est à ce titre , et à cette seule condition, que le père s'interdit de « consommer » sa fille pour la donner en mariage contre dot et alliance. » (215-216)
Or, une telle explication soulève bien des objections. Tout d'abord, l'anachronisme qu'il y a à évoquer la volonté (ou la possibilité) d'acquérir des territoires ou de l'argent à propos de peuples de chasseurs-cueilleurs sans richesses. Ensuite, une simple question logique : le lien entre domination masculine et prohibition de l'inceste est affirmé, mais nullement justifié. La prohibition de l'inceste consiste à interdire certains rapports sexuels, et si elle est parfaitement compatible avec la domination masculine, elle le serait tout autant avec la domination féminine ou avec l'absence de toute domination. D'ailleurs, d'un peuple à l'autre, la prohibition de l'inceste a pris des formes incroyablement différentes et tout à fait indépendantes du degré de domination masculine. Chez les Bushmen et les Inuits, dépourvus de groupes de parenté constitués, l'interdiction de l'inceste se posait dans les mêmes termes globaux, ceux de la proximité généalogique. Or, si elle était faible ou inexistante chez les Bushmen, la domination masculine était beaucoup plus dure dans certains groupes Inuits. On retrouve cette même variabilité du degré de domination masculine en Australie, là où la prohibition de l'inceste prenait partout une forme tout à fait différente, puisqu'elle faisait intervenir des groupes constitués ; les partenaires interdits pouvaient représenter la moitié, voire les trois-quarts, des effectifs d'une société. Là encore, les explications semblent plaquer des pratiques sociales bien postérieures sur des institions qui remontent fort loin dans le passé... et dont la première partie du livre n'a de cesse de montrer les échos qu'elle trouve chez les espèces animales.

Conclusion

Ces réserves importantes étant faites, le livre (en particulier sa première partie) reste hautement recommandable ; s'il ne répond pas à toutes les questions — celle de l'origine de la division sexuelle des tâches, en particulier, est rapidement abordée sans trouver la moindre réponse — il a le mérite d'aider à se les poser de la bonne manière, et constitue un excellent garde-fou contre nombre de fausses évidences biologisantes à la mode.

8 commentaires:

  1. Petite critique de la critique

    L'argument de Picq contre la vision de la femelle rare ne tient pas. D'abord parce que l'on ne récuse pas un argument mathématique avec des observations pratiques. Ensuite parce que l'argument défend un comportement par défaut. Il admet parfaitement l'existence de stratégies alternatives. Mais de la même façon que la faible natalité contemporaine n'invalide pas la théorie darwinienne, le fait que des mâles suivent une stratégie qualitative plutôt que quantitative s'explique aisément par les circonstances extérieures.

    Une règle vaut tant qu'une force contraire plus importante ne lui est pas opposée. Le problème de l'ethnologie est qu'elle tend à se concentrer sur des situations marginales. Les bushmen et les habitants des Andamans ne seront jamais des contre exemples valables compte-tenu de leur environnement exceptionnel ne serait-ce que par leur isolation. Un accès chroniquement restreint à la nourriture aura tendance ainsi à faire évoluer les relations homme-femme loin de la norme.

    La jalousie ne veut pas dire que la règle de fidélité est absolue. Exemple absurde: si mettre ma femme dans le lit du roi me garantie la place de premier ministre, je serai peut-être tenté par la position de cocu. C'est une façon de monétiser la sexualité feminine qui cadre bien avec l'idée que celle-ci est un "bien" rare. Cela induit nécessairement de comprendre le terme richesse d'une façon plus large et qui n'est pas seulement réductible à l'argent monnayé.

    B

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    1. Bonjour

      Je ne suis pas certain de comprendre tout ce à quoi vous faites allusion — je le répète, la sociobiologie est pour moi un terrain presque entièrement inconnu. Je vais néanmoins essayer de vous répondre de mon mieux.

      « On ne récuse pas un argument mathématique avec des observations pratiques », dites-vous. Il me semble qu'au contraire, on est parfaitement en droit de le faire lorsque, comme c'est le cas ici, l'argument mathématique prétend rendre compte d'une réalité. On ne peut certes réfuter le caractère logique d'une démonstration autrement que par la logique elle-même. Mais une démonstration, ou un modèle, peuvent être parfaitement irréprochables sur le plan logique et travestir totalement la réalité qu'ils prétendent décrire, en ayant choisi de mauvaises variables, des équations par hypothèse erronées, ou en ayant aimablement glissé sous le tapis toutes les variables qui auraient pu changer totalement les résultats. L'économie néoclassique, pour ne citer qu'elle, est truffée de ces modèles mathématiquement inattaquables, mais qui parlent d'un monde qui n'existe pas.

      Ainsi, un raisonnement mathématique qui tire un trait d'égalité entre le nombre d'accouplements et le succès reproducteur, en oubliant qu'entre le premier et le second intervient une multitude de facteurs, est un raisonnement formellement juste, mais scientifiquement faux, car inapte à expliquer la réalité qu'il prétend décrire. P. Picq me semble parfaitement fondé à souligner que dans toutes les espèces, les mâles produisent les spermatozoïdes par millions. Pourtant, d'une espèce à l'autre, les relations entre mâles et femelles, de même que l'investissement parental des mâles, varient considérablement. Et une règle d'or en sciences est que l'on ne peut expliquer un phénomène variable par une caractéristique constante (pour une argumentation bien plus fournie que la mienne, et qui va dans le sens de P. Picq, je renvoie à cet article de Gillian R. Brown, Kevin N. Laland et Monique Borgerhoff Mulder, « Bateman’s principles and human sex roles », Trends in Ecology and Evolution, June 2009 ; 24(6-14): 297–304. — malheureusement en anglais).

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    2. (suite du commentaire précédent)

      Sur un autre plan, vous qualifiez les Bushmen et les Andamanais de marginaux, attribuant leurs institutions familiales à leurs contraintes d'approvisionnement. Je ne suis pas du tout certain que les Andamanais (monogames) connaissaient davantage de problèmes d'alimentation que bien des tribus Australiennes (souvent polygynes). Je ne connais pas non plus le lien causal que vous semblez établir entre la quantité de nourriture disponible et le degré de polygynie d'une société. Je ne sais pas si des études ont été menées sur ce point. Mais il me semble que même si une telle corrélation était établie, rien ne prouverait qu'elle soit due à des facteurs génétiques et non sociaux.

      Vous produisez un exemple où l'infidélité (décidée par le mari) relèverait d'une logique sociale, tandis que la fidélité serait « de nature ». Mais même si vous aviez raison sur ce dernier point (bien que j'en doute un peu), là n'était pas mon propos. Je récusais l'argument selon lequel on pourrait expliquer la domination masculine dans certaines sociétés de chasseurs-cueilleurs par la volonté des mâles de s'assurer l'exclusivité de l'accès sexuel à leurs femmes. Tout simplement parce qu'ils font exactement le contraire, à titre profane ou rituel, individuel ou collectif, et que dans ces sociétés, la certitude de la paternité biologique n'est absolument pas un problème pour les hommes.

      Quant à l'argument selon lequel la sexualité féminine serait un bien rare, et que cette rareté expliquerait beaucoup de choses, il me paraît tautologique. Ce qui pourrait un bien rare, à la rigueur, serait la capacité d'enfantement des femmes (et non leur sexualité). Mais dans des sociétés de chasseurs-cueilleurs où l'infanticide était monnaie courante, je doute que cet argument soit soutenable. Dans ces sociétés, si la sexualité des femmes était un bien rare, c'est uniquement parce qu'elle était monopolisée par une minorité d'hommes. C'est donc parce qu'il y avait polygynie que la sexualité féminine était un bien rare, et non l'inverse. Autrement dit, cette rareté était le résultat de processus sociaux, et non un fait de nature.

      Salutation

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    3. PS: vous faites une erreur importante en opposant génétique et social. La génétique induit des comportements sociaux directement (ex: instinct de fuite) ou indirectement (ex: si je peux digérer le lait à l'âge adulte j'élève des vaches, sinon j'élève des porcs). La génétique détermine les grands traits des sociétés humaines (sinon ce ne serait pas des sociétés "humaines" mais des constructions théoriques)

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  2. C'est très mal d'offenser les gens qui laisse des commentaires sur votre blog... maintenant j'ai l'impression d'être un bourrin =)

    Procédons dans l'ordre:

    1. Vous avez raison, un argument peut être logique mais ses axiomes de départ peuvent être erronés, cependant il ne me semble pas que Picq conteste les axiomes. Il donne des exemples pour contester la logique, ce qui m'a fait tiquer.

    2. Mon argument par rapport aux tribus allogènes est que les conditions dans lesquelles elles vivent sont si extrêmes que cela peut fausser les observations et empêcher de les considérer comme représentatives de l'humanité dans son ensemble.

    3. A mon sens, c'est là vraiment que le bât blesse. Les stratégies de reproduction peuvent être extrêmement complexes et si Boy meets Girl est le scénario le plus courant et le plus simple, il peut devenir beaucoup beaucoup plus sioux sans que l'hypothèse de départ soit abandonnée (c'est à peu près ce que le papier que vous avez mis en lien dit).

    Voilà un peu d'anthropologie-fiction pour appuyer cet argument. Imaginez la tribu des Paka-Paka qui vivent dans la forêt dense des vallées du Haut-Bitavi et qui se nourrissent principalement de viande de rat volant à queue cendrée, connu sous le nom de piti. La chasse au piti est collective et menée par un chef qui décide de la distribution de la viande. Le chef peut à volonté priver les chasseurs de viande, sans que celui-ci ne puisse se plaindre. Quitter la tribu est impensable car il faut être au moins onze pour attraper un piti. Bref, si le chef décide de priver une famille de viande c'est la mort assurée.
    Mais, cette sentence de mort est rarement prononcée car les chasseurs offrent régulièrement leurs femmes à Piti-Paka, le dieu rat qui prend forme humaine dans la personne du chef. Ainsi, en condamnant une famille à mourir de faim, le chef risquerait de condamner à la famine certains de ses propres enfants. Un équilibre de la terreur est donc établi. Le chasseur doit accepter la position de cocu mais il est garanti de recevoir de la viande pour nourrir ceux des enfants qui sont les siens.
    Cette infidélité préférentielle est loin d'aller à l'encontre de l'hypothèse de fidélité fondamentale. Elle est un coût nécessaire, mais il est clair que le chasseur ne laisserait pas un autre chasseur passer la nuit avec madame.

    Evidemment je ne sais pas si ce type de structure sociales existent vraiment, mais dans le règne animal des systèmes assez proches sont monnaie courante. Ce type de stratégie reproductives qui inclue une relation dominé/dominant ont parfois été utilisée pour essayer d'expliquer l'homosexualité (cf les derniers films de Guillaume Gallienne). L'infanticide va dans le même sens: un coût accepté pour garantir le reste de l'investissement.

    Quant à la construction sociale de la rareté de la sexualité feminine à mon avis vous vous trompez lourdement. Si ce n'est pas rare, pourquoi accumuler? Le patron de bordel à la rigueur peut essayer de créer la rareté pour acquérir un monopole sur les services sexuels, mais le polygame ne vend pas ses femmes que je sache. Si le polygame accumule c'est pour sa consommation personnelle. La rareté est donc première ("naturelle") et non pas construite, la société peut rendre la situation pire, mais elle ne la créé pas.

    'lutation

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    1. Je suis désolé si je vous ai offensé. Ce n'était nullement mes intentions. J'ai tenté simplement d'opposer des arguments aux vôtres, qui ne me convainquent pas. Mais l'écrit est parfois involontairement sec.

      Votre exemple des Paka-Paka (qui, au demeurant, ne ressemble ni de près ni de loin à aucun exemple ethnographique connu) me paraît bien davantage illustrer les limites de la sociobiologie que ses résultats. Parce que "l'hypothèse de fidélité fondamentale" n'explique ici pas grand chose, et en tout cas pas les particularités étonnantes de la société Paka-Paka, particularités qui tiennent au mode d'organisation de la distribution - donc, à un facteur éminemment social. Au demeurant, votre manière de présenter le comportement du chef comme résultat d'un comportement de type "gène égoiste" (si j'ai bien compris) est parfaitement circulaire. Et, je le maintiens, votre raisonnement sur la rareté de la sexualité féminine aussi. S'il existait une société polyandrique où les femmes interdisent aux hommes d'aller baguenauder, ce serait la sexualité masculine qui serait rare (au passage, dans les sociétés polygynes, on accumule les femmes pour bien d'autres raisons que d'avoir accès à leur sexualité - nul besoin de polygynie pour cela).

      Et de manière plus générale, quand vous dites que la génétique détermine les grands traits des sociétés humaines, je peux être d'accord avec vous... si l'on en reste au fat que les êtres humains ont besoin de manger, de dormir, de se reproduire, etc. Mais la caractéristique des sociétés humaines, c'est justement qu'elles ont pétri la pâte génétique de mille manières. L'humanité possède un patrimoine génétique commun et qui n'a guère changé depuis quelques dizaines de milliers d'années. Les sociétés humaines, elles, ont été organisées de centaines de manières fondamentalement différentes. Voilà pourquoi la génétique, même vraie, n'expliquera jamais grand chose de l'organisation sociale.

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  3. A part celle-ci, connais-tu d'autres critiques de la psy évolutionniste ? Ça m'intéresse car je m'y suis frotté et une grande partie de ces travaux ne me convainquent pas.

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  4. Non, je suis presque entièrement ignare dans ce domaine. J'ai donc quelques préventions générales de méthode, mais certainement pas une vraie connaissance des arguments et des thèses...

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